jeudi 8 avril 2010

L'Autel Novella renaît de ses cendres





Samedi 21 juin 2008
TOUT POUR ÉCRIRE À SA MÈRE  


L'orage qui s'est abattu hier soir sur ma ville m'a fait prendre note que mes concitoyens en auront pour leur pluie d'argent cet été ici à Québec. Les coups d'envoi qui n'en finissent plus...Dans tous les coins de la Cité, il y a des sons et des lumières, des mots et des prières, du charme et du mystère...

Hier soir, après l'orage électrique, ce furent les images et le sons du Moulin de Robert. Le grand Robert. Lui qui ne finira jamais de me surprendre. Lui qui a encore une fois mis le paquet pour nous présenter quelque chose d'unique. Je n'ai pas pu assister à la première, mais ce n'est que partie remise. Nous en avons encore pour 65 autres nuits à nous régaler de ce concert d'images...

Québec, décidément, finira par avoir...mes mots ! Je ne pouvais m'empêcher de le faire une autre fois, écrire sur cette ville qui est presque une mère pour moi. Elle qui me donne beaucoup plus de ses grands mystères que de ses petites misères...

Oui, il y aura encore des mots, peut-être pas toujours ceux qu'il faut, mais bon....Pour ce qui me vaut leur déménagement ici à l'Autel Novella, disons qu'ils essaieront de prendre congé de temps en temps de l'auteur qui s'amuse à les maganer en les enrubannant trop serrés de son phrasé profane. Il faudra donc être indulgents avec eux.

elquidam  
   

N.B.: La photo de ma mère est un chef-d'oeuvre de mon père.




Lundi 23 juin 2008
L’ADMIRÉ    


Le pavot, les iris; le pin, les immondices; l'odeur du jardin de Réglisse. Rien n'est plus parfait qu'un lundi matin sans soleil. Le lapin déjeune de ses grains, l'écureuil de ses noix, et moi de juin. Versatile journée empruntée aux défunts. Allons voir les images. Descendons au Bassin. Il y a là un Moulin. Du vent et des marins.    



Mardi 24 juin 2008
BROTHERIES


Leur attitude au sage enseigne /
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne /
Le tumulte et le mouvement;

Charles Baudelaire
Les hiboux  


La fête était commencée depuis plus d'une journée. Les estivants se baladaient dans les rues. Ils remarquaient nos avenues. Ils dévisageaient notre Histoire. Humaient les fleurs de nos plates-bandes, mais les critiquaient; elles, gonflées de nos perlantes sueurs, dessinées par les gestes de nos cœurs. Puis ils remontèrent la Grande-Allée car il y aurait sans doute bientôt un grand défilé. Et peut-être aussi quelques discours enflammés. Mais ils avaient soif de bière et de mots nouveaux, alors ils sont entrés pour s'abreuver dans le Bar des Quêteux de Mots, là où en trouvaient encore de fort beaux...

On ne sait plus trop où ils sont allés s'échouer après avoir écouté quelques-uns de ces poètes ébréchés, probablement au pied d'une statue bronzée dans le Parc des Gouvernés. Pour prendre un peu d'ombrage, pour aller se reposer. L'ombrage que les statues voudraient bien encore leur donner. Ils entendirent des voix fulminer dans le rêve qu'ils firent, allongés....

"Ils n'ont pas le droit de profiter de l'Ombre que l'on leur donne dans ce parterre, s'ils ne savent pas ce qu'il y a eu de misère à être de ces anciens hommes. Ils nous prennent pour des monuments sans poussière, pour des héros imaginaires, alors que nous avons été également des anciens amants, des petits pères, des moyens époux, des demi frères, des grands manitous, des grands marabouts. Dans le silence de nos prières comme dans le tumulte de nos guerres, au pas ou au garde-à-vous, nous étions prêts, mais pas encore debout...

Nous dormions dans le parterre, comme ces rêveurs que nous ombrageons. Pour faire une vraie révolution, ça prends plus que de la bière et des émotions. Ils n'ont pas le droit de chanter comme ils l'ont fait pour Hier, s'ils ne savent pas où se trouve l'Aujourd'hui. Ils n'ont pas le droit de se plaindre de leurs maux de dents s'ils ne savent pas comment brosser leur langue de ciment. Mais ils n'ont pas le droit de s'éteindre non plus, alors donnons-leur encore l'espoir de la flamme de nos lumières, et peut-être trouveront-ils enfin la mèche dans le fond de leur fanal."

C'est ce que Le Sage disait à l'Évêque depuis le Rêve du Dormeur...Ces Hiboux qui guettent nos Lapins, Lézards, Corbeaux et Pigeons, eux, si sages et si sérieux, mais si bons, qui à l'occasion pondent dans nos salons un de leurs œufs maison...


elquidam 
 



Jeudi 26 juin 2008
L’EAU-DE-VIE D’UN DÉSERTEUR  


Il était une fois un homme...qui me faisait peur, mais que j'aimais quand même. Ses yeux étaient si perçants, d'un bleu vert étincelant. Il avait un alambic chez lui. Un jour, quand nous avons été " en âge ", il nous a fait goûter à sa " bagosse ". Yash ! mais quel effet ! Il habitait une tout petite maison au village. Il avait été célibataire jusqu'à l'âge de 50 ans environ. Un jour, il a rencontré une jeune femme qu'il connaissait de par les parents de celle-ci; elle était " tombée " enceinte " par erreur ". Il l'a épousée pour que cet enfant, une petite fille, puisse porter son nom et être " légitime ". Ah ! dans ce temps-là. Il n'a jamais eu d'enfant " naturel " avec cette femme, mais il a pris soin d'elle et de la petite jusqu'à sa mort (64 ans).---Donatien Saint-Amour, tu trouves pas que ce serait un beau nom pour un personnage de roman épique ?--- (En ce moment, je suis attablée, comme à l'accoutumée, dans ma chère cuisine avec le crayon Bic Atlantis rétractable) Il n'y avait pas de point final à cette histoire, ce sont des mots que j'ai retrouvés par hasard parmi les paquets de feuilles à reclasser. Ils faisaient partie du cœur d'une lettre, que je n'ai jamais envoyée...L'homme dont il est question était mon grand-oncle, du côté de ma mère. Ses cheveux étaient d'un noir bleu jais, son teint toujours de brique, il avait les traits d'un amérindien, tout comme sa sœur Marguerite, ma grand-mère maternelle, dont je porte fièrement le prénom dans mon extrait de baptême, bien que ce soit Juliette qui était ma marraine, mais elle n'aimait pas son prénom, ça fait que...bla-bla-bla...Cet homme, Donatien, était " cook ", comme disait Mémère, et du temps de la guerre 39-45, il avait été aussi un déserteur, il se cachait dans les bois, il vivait de la trappe et de l'air du temps... C'est vrai que ces yeux me faisaient peur, perçants qu'ils étaient, mais en même temps il y avait de cette lueur qui brillait comme un sou neuf dedans....Il buvait, oui, certainement. Son alambic, dans la cave de sa petite maison, il en était pas peu fier. Je ne me souviens plus avec quoi il concoctait son petit boire, mais ça fessait fort en cinq-six boires ! Donatien avait un grand cœur, c'est pour ça qu'il a épousé Florence, elle qui était tombée entre les mains, et le reste, d'un homme pour qui elle travaillait, le style d'histoire qu'on voit souvent dans les vues et parfois dans la vie. Donatien a été le protecteur de cette petite fille, une superbe petite fille aux cheveux blonds-roux, une vraie beauté. C'était SA fille, il lui avait donné son nom. Elle eut donc un père et lui une fille. Le " couple " s'est effrité avec les années, et Florence a fini par quitter Donatien.


Photo: archives de tante Françoise


Redevenu célibataire, il a dû terminer ses jours seul dans sa petite maison de Saint-Donat. Il est mort à 64 ans, son foie n'ayant pas pu résister au froid de la solitude. C'était tout un personnage. Quand on le voyait débarquer chez Mémère, c'était toujours un événement. Il nous racontait de ces histoires à rester debout, des histoires de loups et de hiboux, de choux et de cailloux. Il me faisait un peu peur, juste un peu. Il fallait le regarder droit dans le pers de ses yeux, car il n'aimait pas les regards de travers...De ce qui me reste du cœur de cette lettre, le moulin de ses images et l'effet de son alambic...


Louise Marguerite Charette Langlois



LA PAILLE ET LA OUATE  


1888. En même temps que Gustav composait sa " Titan ", Léopold, époux de 17 ans son aîné de Marguerite, naissait, le 11 février. Il l'avait épousée en secondes noces, parce qu'il avait perdu la mère de sa première fille...Ensemble, ils eurent 8 autres filles. En racontant cette histoire d'aïeux à Nelson, il eut comme une espèce de dégoût en apprenant que son arrière-grand-père avait fait tout ce tas d'enfants en ne gagnant à peu près qu'un pauvre petit dollarama par jour dans le bois. Un vrai Caleb Bordeleau quoi ! Que sa grand-mère Marielle, la 8 ème des filles de Léopold, allait à l'école en bottines de feutre l'hiver, et pieds nus l'été...La pauvreté. La seule, la vraie. Avec en prime son premier exil à 9 ans. Parce que trop de bouches à nourrir, on l'envoya dans la famille d'une sœur aînée sur la rive sud de Montréal. Ce n'est que l'été dernier que j'ai osé poser la question à ma mère, à savoir si le fait d'avoir été éloignée de ses parents à un si jeune âge ne l'avait pas traumatisée, elle m'a répondu, avec toute la réserve qui la caractérise si bien, que ça ne l'avait pas traumatisée, mais simplement attristée, qu'elle avait trouvé ça difficile parfois de ne les voir qu'une fois de temps à autre. Richelieu n'étant pas tout à fait à côté de Notre-Dame-de-la-Merci, les visites étaient donc assez rares. Heureusement, il y avait le Temps des Fêtes...


La maison paternelle et plus tard maternelle,
aujourd'hui habitée par l'une de nos cousines 
qui en prend grand soin.


Ma mère est revenue habiter avec les siens à 13 ans, mais pour quelques temps seulement. Elle s'est à nouveau exilée, avec deux autres de ses grandes sœurs, dans le Grand Montréal cette fois. Elles y étaient pour travailler à la manufacture de fil...La pauvreté allait enfin quitter son nid de paille pour aller dormir dans un lit plus douillet, un fait de ouate et de plumes, un nid coquet qu'allait lui offrir son futur fiancé, André, un gars de Rosemont, trompettiste dans ses temps libres. Étrangement, elle allait le rencontrer pour la première fois dans un hôtel de son village, celui qu'elle avait quitté trois ans auparavant. Il était venu jouer de la musique avec son band de Montréal dans une noce de campagne. Ils se connurent. Se fréquentèrent. Se quittèrent. Se revirent, plus matures. Se marièrent...à l'autel. Pas longtemps après, décidèrent de s'ouvrir une manufacture...de fils, ils en eurent trois après avoir conçu une seule fille, moi...


L'enfant première-née avec ses parents amoureux


Voilà, c'était un autre chant pour les compagnons errants...comme un chant d'égarée...Ce soir, André et Léopold surveillent de près leur Marielle sur le coteau, ils veillent encore au grain à ce qu'elle ne manque de rien. Et elle ne manque de rien. Mais peut-être que sa fille…
  



Vendredi 27 juin 2008
DÉJÀ VU


Once upon a time, in 1969, when I was not younger than today, when I was not higher than my father-hey...Aujourd'hui, presque 40 ans plus tard, il n'y a pas grand-chose de changé de ces temps qui étaient supposés l'être. Le vinyle n'est plus en circulation, mais le son est demeuré le même. La Musique emporte tout, une vague d'émotions sur un tapis magique, des clefs de sols pour évasions pré-apocalyptiques. Les paroles qu'il fallait pour apaiser la révolte, les rythmes des anciens guitar hero, LE son des bleuâtres météorites......








CSNY me rappelleront toujours les premiers délits, les premières fugues, les derniers baisers du vrai premier amour. L'été de nos 16 ans, la richesse de ce temps, l'espace, le vent, les couleurs dedans, et tous ces petits enfants à naître dans les autres continents...

On écoutait inlassablement ces chansons de néo troubadours, et on aimait, tout simplement. Il n'y avait rien de bien sorcier là-dedans. Mais sachant qu'il manquerait régulièrement de quoi remplir convenablement la table vide de nos voisins itinérants, nous n'irions plus à l’église le dimanche pour voir se multiplier le pain et les poissons des curés marchands. De la messe, nous ne garderions que son vin divin et sa musique " d'occasion ". Des hauteurs de l'hymne à la joie au crash des grandes dépressions, elle serait toujours là pour éclairer le côté sombre de la lune d'Armstrong...







Dimanche 29 juin 2008
CENT MILLE AUTELS 


Toute cette pluie qui tombe depuis des semaines, non mais, quelle merveilleuse température pour commencer un nouveau bon roman irlandais. Dès le premier paragraphe, McLiam Wilson vous envoûte, vous transporte sur son banc d'itinérants, dans un pays où les chiens sont mieux nourris que lui. Une autre de ces belles histoires des vieux pays d'en haut...

Toute cette pluie qui tombe, ce vert dans ma grande court, ce vert espérance, ce vers quoi le déluge se dirige lentement mais sûrement...Ce vert de gris, ce vert de green, où les golfeurs pataugent comme des petits enfants dans des mares d'eau...dormante...peut-être de futures swamps ? Le dieu Tlaloc, " celui qui fait ruisseler les choses ", " celui qui sème ", pourrait-il nous être d'un certain secours ? Que devrions-nous lui offrir pour apaiser sa colère ? Certainement pas le corps d'un jeune enfant noyé, mais peut-être un extrait d'illuminé...

Aucune espèce d'ombre d'éclairci à l'horizon, que de l'eau, que du gris--- sur nos gazons, la moitié vide de la vie --- la mort aux portes de la pluie --- l’empereur avalé par le morse, le lapin par la buse, le bœuf par l'Homme et la pomme par Adam, le ciel par Tlaloc, le Soleil par le roc...Le miracle de l'Amérique platine---sa teinture d'eau qui la pâlit, sa nouvelle peau qui la satine. Dans le wal-mart rempli d'îles et d'ailes, une averse de larmes de crocodiles, une panoplie d'imperméables et de parapluies, un paradis d'existentiels, un après-midi dans le logis-ciel. Il pleut encore, il fait dehors…  



Lundi 30 juin 2008
LES MIRACLES


L’hôtel n'est pas encore rempli. Dans le lobby, les lumières sont tamisées, l'heure est à l'apéro. Le ciel est si léger. On ne voit même plus les oiseaux voler. Il n'y en a que pour cet Invité. La musique qui occupe son espace se vide de tout malheur. On lui a offert la place qu'elle aime le plus pour s’exécuter. Pour qu'elle retrouve toutes ces notes qu'Il va nous jouer. Comme une multiplication pas très compliquée, 2 fois 2, 4 fois 4. Le son de l'eau. La portée des flots. L'onde de sa clarté. Dans la ville on n'attend plus que le soleil se couche pour aller se promener la nuit, on le réveille, on le touche, on l'émerveille, on lui fera peut-être prendre une douche. L'aurore aura un goût louche, un goût de revenez-y. L’Instant précis occupera le milieu du lit....

Écrire au son pour rassembler les morceaux choisis d'un nouveau mystère. Être au Japon, survivre à L.A., marcher sur la Lune, tomber de sa chaise, respirer un air un peu empoisonné, voir des cheveux un peu désordonnés... Le pianiste joue. Le lounge commence à se remplir. On entend des rires feutrés et un air qui sort d'un nouveau passé....River Man. Nick Drake et Bill Evans ressuscités....Un livreur passe délivrer du courrier au barman. Il le paie. Il déchire l'enveloppe. C'est Brad Mehldau et son trio de petits miracles...







Jack a dit:

Superbe chanson. Qui tient aux miracles. Merci! 
jd


Anonyme a dit:

Les miracles, c'est à la mode ces jours-ci ! Nick Drake: un indémodable.



Mardi 1er juillet 2008
HAUT-CANADA  


Quelque chose. Quelques fois. Une rumeur. Un scandale. Quelques pièces. Une toile. Quelque chose. Quelques fois. Une humeur. Une rafale. Une finesse. Un dédale. Une fleur. Une plume. Un dessin. Un pétale. Un pied. Une sandale. Un festin. Quelque chose. Une flamme. Un incendie. Une braise. Un guiblanc. Une porte. Une issue. Une province. Un pays-sang. Un amour. Une haine. Une maison. Un taudis. Un panache. Un orignal. Une renne. Une hache. Une vache. Quelque chose. Quelque part. Quelques roses. Quelques noirs. Quelques riens. Quelques blancs. Un reste. Et du vent...





Mercredi 2 juillet 2008
LES PREMIÈRES    


Elles sont enfin arrivées, les fraises de cet été. Allons les cueillir dans les champs pendant qu'il est encore temps. Faisons-les cuire, brassons-les, à froid, avec du sucre, milkshakons-les avec du lait, poudignons-les, chaudes ou tièdes, écrasons-les, à la fourchette, goûtons-les à la bonne franquette...


Sarah et Nicolas
sur leur terre de Beauport


Il a pris de son temps pour venir nous saluer, mais finalement l'été a fini par arriver. Remisons les images blanchâtres de l'hiver passé, le Vert aujourd'hui s'est confortablement installé dans nos salons gazonnés, dans nos esprits forestiers. Il fera tout son possible pour nous contenter, c'est à nous de le laisser aller. Laissons-le simplement faire son " bouleau "...

Demain, à Québec, ce sera le Pow-Wow qui va commencer; les hôtels seront bondés, les orchestres surchauffés, les acrobates accrochés, les dignitaires invités, et l'armée...paradée. De la pluie et des orages sont prévus à l'horaire, mais nous en avons vu bien d'autres avant mes frères. Ce sera notre fête et la vôtre, Québécois d'ailleurs. Ce soir, Champlain s'apprête à traverser le Mur du Temps, il revient demain pour nous dire, en chantant, combien il était un bon vivant, combien il aimait la Poésie, combien il attachait de l'importance à toutes ces Fêtes. Beau temps mauvais temps, nous serons à son rendez-vous. Il revient pour voir nos " bettes " et nos " fraises ", pour voir si elles parlent encore SA langue française...    



Jeudi 3 juillet 2008
FONDATIONS


Dieu a donné une sœur au souvenir et il l'a appelée espérance. 
Michel-Ange 



Aujourd'hui, c'est jour de fête, il n'y aura pas d'images sur cette page, elles sont toutes en moi et dans l'esprit de tes personnages. Je me souviendrai toujours de ma première visite chez toi, la température était clémente, il y avait quelques nuages, et même si j'étais dans le vide glacé de mes pensées les plus noires, j'étais tout de même excitée à l'idée de te voir pour la première fois. Il avait plu presque tout le long de la route, mon père avait voulu essayer sa nouvelle Rabbit diesel, l'essence coûtait cher aussi dans ce temps-là. Je ne me souviens plus exactement à quel étage de l'hôtel de Mr. Hilton nous avions logé, mais c'était dans les derniers, peut-être le quinzième. Mon père et moi, qui aimions beaucoup les hauteurs, nous tenions ça de sa mère je crois, elle qui avait demeuré au 23 ème étage d'un immeuble au bord de la rivière Des Prairies à Laval, étions à chaque fois éblouis par la vue que nous avions lorsque nous traversions la porte pour aller prendre l'air sur le balcon de Juliette. Laval, vue de haut, tout comme Montréal, à cause de celle que j'avais moi-même de mon quinzième à St-Laurent, y'avait rien de plus beau ni de plus excitant. Mais celle que nous avions du Hilton de Québec ce soir-là était encore plus belle. Avec ses grandes fenêtres fermées nous avions l'impression de flotter sur des ailes qui nous transportaient au-delà du réel. C'était absolument fascinant. Nous étions au dix-septième ciel. Voilà un peu pourquoi je me suis retrouvée, après un certain soir de tempête d'acide, entre tes deux grands bras de béton armé. C'était en début septembre, les fleurs s'étaient mises en dormance, le fleuve, lui, nous apprenait ses surprenances, le " caléchier ", ses histoires de Nouvelle-France et mon père de la beauté sa dépendance...



Septembre 1978
avec Maman, Martin
et le caléchier
Photo: mon père


Aujourd’hui, c'est encore ton anniversaire ma très chère, les nuages noirs, qui menacent toujours autant ton paysage de mots perdus, me font retrouver ceux que j'avais déplumés jadis sur l'Avenue des Cygnes Nus...Leurs plumes de plomb devenues trop lourdes à supporter, il avait fallu qu'ils se débarrassent de leurs rêves de liberté...Les Cygnes sombrèrent donc dans un marécage d'évidences insoupçonnées. Ils trouvèrent dans les fonds liquoreux des lits de bébés des mots morts-nés, des mots baptisés à l'eau-de-rose, des mots aspergés de fontaines de jouvence, de la poésie et de la prose, des images et des sons, du cœur et de l'absence, mais moururent quand même, après 33 longues années d'existence, d'attente, d'abstinence et...d'espérance. Ne ressuscitèrent jamais plus de ce monde d'indifférence. Ne suscitèrent aucun deuil. Demeurèrent en bas de ce pays inconnu de la peste et du silence. Un pays d'aucune turbulence. Un pays de concupiscence. Une mare de réjouissances. Un exemple à ne pas suivre.
   


Mardi 8 juillet 2008
LE PRIX
   


" J'écris pour être lu, et j'écris à partir de ce que je connais. L'imagination, c'est ce qui nous fait voir le réel qu'on a sous les yeux. Ma poésie s'organise autour de deux critères. Premièrement, c'est-tu vrai ? Deuxièmement, il ne faut pas qu'il y ait de poème derrière le poème. Et puis, Léonard est aussi un très bon poète, ce qui nous révèle à nous-mêmes. "

" Je suis écrivain parce que je suis lecteur. Si on ne lit rien, ça paraît. Quand on est un lecteur qui va écrire, on absorbe différemment. "

Michel Garneau
Poèmes du traducteur
Éd. de l'Hexagone



Un soir de décembre, on ne savait pas, alors on sort entre amis, on s'épivarde dans la nuit, on revient ici, on écrit long sur ceci, puis on retient surtout cela, le suc de cette nuit-là, celui qui permet de remporter LE Prix, pas le grand, juste le petit...On dit qu'on n'écrit pas pour être publié, c'est vrai, mais lorsqu'il arrive qu'on le soit, on sourit. Mais à quoi bon ? On n'écrit pas non plus pour gagner des prix, mais lorsque ça arrive on fructifie, on fioriture, on décape, on délure, on écrit, on écrit et on écrit...d'autres mots...ceux que l'on donnera à nouveau en pâture au nom de la sainte lecture. Merci au magazine Prestige d'avoir choisi mes mots d'ardoise, ils me permettront de m'attabler au 48 St-Paul _ cuisine du monde, sympathique resto de Québec situé sur la rue Saint-Paul, un endroit que je privilégie pour la diversité de ses 48 bouchées, mais aussi pour le rouge et le noir de son décor rempli de miroirs, pour les phrases poétiques graffitis dessinées sur les murs couleur de nuit, là où les alice se remplissent la panse de tous ses délices. Un fait intéressant à noter: le 48 loge sous le même toit que l'hôtel Port Royal, un autre de ces charmants petits hôtels de la vieille ville…


L’ARDOISE


Juste avant que la prochaine tempête n’arrive, partir en voyage autour du fleuve de la nuit…pour rencontrer Kébek à nouveau, pour lui dire quelques mots, pour l’embrasser et la suivre, jusqu’au plus profond de ma dérive…Dans la nuit dégelée, parmi ses odeurs de fraises, de savons, de beurre ou de bois, humer celles de son cœur braisé mille fois. Goûter à son humeur irlandaise, savourer son sourire anglais, rallumer son flambeau français, guérir le bout de son âme brûlée…Depuis les sérénades de sa Bretagne natale jusqu’aux aubades de ses Plaines en batailles, voir aujourd’hui danser le Sénégal dans les bras du Portugal….Agrandir le Berceau qui l’a vue naître…Revoir son visage buriné dans le coin d’un âtre familier…Admirer ses toits cuivrés dans les cadres à bon marché…Immortaliser l’instant présent de son admirable Passé…Serrer la paume de ses fantômes endimanchés, leur distribuer quelques aumônes pour les ressusciter…Nos pas pressés sur la neige constellée, celle qui maquille le noir et le gris de ses rues et trottoirs, de cet hiver infernal qui ne fait que commencer…Et son froid intensifié qu’il faudra laisser glisser entre nos bras gelés…" Vite ! Vite ! mon ami, il faut entrer ICI, ça faisait si longtemps que je voulais y aller "… Le boudin noir qui repose sur la planche, les vins rares sur nos langues qui s’épanchent... Ce soir, notre soif apaisée par un Moine qui l’étanche, et notre faim, par l’ardoise et sa craie blanche…Entre Champlain et Elle, complice Cité : Cartier, rue de bonne heure, remplie du quotidien de ses plus fidèles pèlerins…Chez Jules et Jim, au bar, pour être comme en 1900, pour bavarder un brin d’exil, de Cuba et de whisky américain avec un mec que l’on ne connaissait pas…Comme deux petites virgules dans le brouhaha, danser en s’arrosant d’un reste d’anonymat…Entre mes 400 mots et le vide de leur espace, la Vie, la sienne, la mienne, la vôtre, celle qui se remplit à chaque instant des gens qui l’ont fait, la font et la feront…Comme Elle, muse maison, avec son immortelle envie de séduction, et comme tout l’étonnement d’une nouvelle saison… C’est ce qui fait que j’en suis toujours aussi incroyablement amoureuse, même après trente ans de concubinage…Elle, Kébek, fille venue de Brouage, qui bientôt en fêtera 400, je vous le jure et le crie sans ambages : elle ne les fait vraiment pas…

Je t’aime Kébek

L.Langlois




Jack a dit… Très beau! La nuit, l'ardoise, Kébec la profonde a de l'âme, du souffle, du vieux et du nouveau, des odeurs qui marquent le long de ses passages, "là où le fleuve se rétrécit". Elle se blouse parfois de bleu d'encre, de pied en cap, elle forge des voix de diamant qui transportent vers la mer l'espoir azuré d'un grand rassemblement. 


Anonyme a dit: 

Je vous renvoie le compliment: c'est beau ! Merci d'être venu à Kébek en " passager " ...Je parlais de vous à Alain, cet ami qui m'accompagnait lors de cette virée nocturne en décembre dernier, (voir Fenêtres Ouvertes du 16 décembre 07) je lui disais que je ne comprenais pas pourquoi Jack n'avait pas encore publié, soit un recueil, des nouvelles, ou même un roman, pourquoi certains mots restent cachés dans les corridors de neige épouvantés ou encore dans les galeries souterraines de la Littérature humidifiée ? Pourquoi les mots ne sortent-ils pas de ces endroits ?...Alain ne le sait pas plus que moi... Nous nous sentons privilégiés tout de même de vous lire, via le Train de nuit...Ces mots qui filent à toute allure dans le décor démazuré d'un espoir futur qu'ils puissent être un jour rassemblés dans une quelconque reliure...Je pense parfois à Nina Berberova, cette auteure russe qui n'a été reconnue que " sur le tard " soit après quelques 68 années d'écriture et d'espoir..."Nina Berberova place en vous une minuscule fleur pliée qui mettra longtemps à s'épanouir en vous empoisonnant: voilà le prodige de cette technique littéraire, faite de constants paradoxes, de tendresse acérée, d'affectueuse malveillance, d'opiniâtre découragement…» Tout le livre passe comme un regard, mais, comme dit Char, "l'éclair me dure"." Jacques Drillon, Le Nouvel Observateur, 10 novembre 1988 Je n'ai lu qu'un seul livre d'elle, je ne me souviens plus du titre, c'était il y a longtemps. C'est " une voix " comme on dit, une voix...de diamants ": indomptable, inflexible, inébranlable...
L.L.


Anonyme a dit: 

Évidemment, vous avez fait ma journée. Très touché! Votre commentaire appelle une réponse élaborée. Excusez d'avance la longueur. Il y a peu, j'ai rencontré un jeune poète en vue pour l'inviter à un événement artistique et je lui ai dit combien je le trouvais chanceux d'être publié si jeune par une des meilleures maisons. Je me garde bien de répéter textuellement ce qu'il m'a répondu en faisant le drôle, mais cela voulait dire qu'il était prêt à TOUT pour se faire publier. J'ai entendu la même rage chez un Christian Mistral. J'en conclus que je n'ai sans doute pas ressenti avec autant de force ce fantasme de la publication. De plus, jusqu'à il y a peu, je crois pouvoir dire, sans me plaindre ni faire porter le blâme à quiconque, que je ne n'étais pas dans des conditions de liberté de création. Je ne suis pas non plus issu du "milieu". Néanmoins, j'ai produit avec persistance car, je le crois, cela est plus fort que moi et joue comme un fil conducteur dans mon existence, quelque chose comme un recueillement. Si je relativise et demeure bien humble à l'égard de mon travail qui n'intéressera que peu de monde, cela ne signifie toutefois pas que je m'en fous ou bien que je ne souhaite pas agrandir le cercle des yeux et les cœurs pouvant être touchés par mes élucubrations. Bien au contraire. J'ai toujours fait mien cet énoncé de Madeleine Monette (La femme furieuse...) qui fut mon prof et demeure une amie : le travail littéraire, disait-elle, est par définition dans un rapport public. Dans le même sens, Garneau que vous avez cité a mille fois raison d'affirmer que l'on écrit pour être lu, et on lit pour écrire. C'est ce que j'appelle la marche du cannibale."Quand pour le plaisir de la poésie/ Je croyais choisir/ Mais j'étais choisi... (Aragon, de mémoire). Cette question, on me la pose régulièrement et cela me torture toujours un peu. Michel Garneau lui-même m'a écrit il y a quelques années pour me dire : "Il faudrait que tu publies". Eh bien, j'y travaille activement en ce moment même! Une partie des vacances d'été sera consacrée à ce projet sérieux qui doit aboutir en octobre. J'ai beaucoup de matériel et la difficulté est là: élaguer! Ce sera une publication sans prétention, à tirage limité.Tout est déjà un peu beaucoup publié dans Train de nuit. Le blogue permet des coups de soleil quotidiens avec un peu d'ombre pour se reposer. Mais le livre demeure la plus belle invention de porte-langage personnalisé, une merveilleuse machine à traverser le temps. Si vous saviez la joie de vous savoir parmi "mes" lecteurs et mes lectures! Merci encore une fois. 

jd


le Rimailleur a dit: 

Je passe la porte entrebâillée, tâchant d'étouffer mes pas de peur d'interrompre un si bel échange. Content que l'ami Jack m'ait conduit jusqu'ici..


anonyme a dit:

 " Recueillement, le plus beau mot de la langue française " 
Victor-Lévy Beaulieu

Des mots, comme il n'en pleut pas partout, mais comme à tous les jours...des mots-fourneaux qui réchauffent les couvertures, des mots-cointreau qui abreuvent les caniveaux, des mots-bréviaires pour l'envers des hiverdures. Des mots-mystères accrochés sur la toile, des mots apollinaires pour les filles de la Capitale; des mots d'azur et d'air pour respirer en cannibale...Des mots ouverts, encore et toujours, pour se souvenir, pour ne pas moisir; pour ne pas s'écrapoutir, pour ne plus se suffire, mais surtout, surtout, pour le plaisir d'avoir à les choisir. 

elquidam  



Mardi 8 juillet 2008
TAN ESHPALIN ?


Comment vas-tu ?


Conversation avec Gervais en vue de notre journée amérindienne du 10 août prochain. Il y avait plus de cinq mois que nous ne nous étions pas parlé lui et moi, c'était comme si ça avait été hier. Il était content de m'aider à organiser cette journée que nous voudrions parfaite, à commencer par la visite de la Chute Kabir-Kouba, pour une longue marche et un pique-nique, et peut-être une visite au tout nouvel Hôtel-musée Premières Nations, là où il travaillera comme guide l'automne prochain. En deuxième partie, le Site traditionnel Wendat, où il a jadis été guide, même s'il est Montagnais. Il s'est offert gentiment pour l'être, exceptionnellement ce jour-là, nous verrons donc la maison longue, la hutte de sudation et le tee-pee. Nous l'écouterons religieusement nous raconter l'histoire de la nation Wendat. J'imagine déjà les regards éblouis de mes amis quand ils croiseront celui de Black Fox, ils seront sous le charme, c'est garanti. Suivra un souper typique au restaurant du site avec viandes (bison, chevreuil et caribou) et poissons, dont la truite cuite dans l'argile. Le tout se terminera par la danse de remerciement au Grand Manitou et des échanges avec les danseurs, ils qualifient cette soirée de magique. Je pense que nous devrions être suffisamment imprégnés de culture indienne pour nous diriger lentement vers le point culminant de cette journée de fraternité: le spectacle KIUGWE, fresque inspirée des mythes et légendes de la culture des Premières Nations du Québec et des Amériques pour faire saisir le sens du sacré sur lequel reposait la manière d’être et de vivre des Peuples Premiers. Il reste environ un mois avant que toute cette magie arrive, espérons seulement que le beau temps sera avec nous....et avec nos esprits... Niaut    


Le temps passe, nous avançons dans sa spirale, nous détalons de sa diagonale, nous finirons bien par lui provoquer un beau scandale. L'été se sera incrusté dans la boîte à bijoux en forme d'ailes d'ange. Dans le jardin, les fleurs auront poussé: la lavandula augustifolia, l'achillée perla, les malva, et très bientôt le leucanthemum x superbum Becky...Le jardin fleurit. Juillet resplendit. Puis l'aoûtement avec l'été qui finit. Et les millions de feuilles en feu. Et les millions de cœurs en deux.  

elquidam




Mercredi 9 juillet 2008
LES PROPRIÉTÉS FABULEUSES


Qu'est-ce qui se passe dans le cœur d'une étoile ?  


Cristaux de titane-saphir---impulsions lumineuses---voir bouger les molécules en temps réel---conditions prévalant dans le cœur des étoiles---déclencher la foudre---200 milliards d'ampoules allumées en même temps---giclement--- très petits mouvements d'atomes---déceler les changements---distances de l'ordre de l'angström---oscillation complète ---longueur d'ondes----femtosecondes---tirer un électron hors du giron de l'atome autour duquel il gravite---jet de lumière---Tout se passe comme si un canot de sauvetage était largué à la mer depuis un navire et qu'après un petit tour dans les flots, il s'écrasait sur le navire---un nouveau degré de contrôle de la matière--espérons reproduire des cœurs d'étoile en laboratoire---un domaine qui leur est totalement inconnu-- la physique de l'extrême---l'énergie des particules--l'effet quantique ressenti---dans les milieux exotiques---propriétés fabuleuses---des moments très courts---on pourra comprendre ce qui se passe normalement dans les cœurs d'étoile---pour déclencher la foudre là où on le désire---pour la dévier et la guider...

Mais qu'est-ce qui se passera dans le cœur de l'Homme quand il saura enfin ce qui se passe vraiment dans le cœur d'une étoile ? Qu'est-ce qui se passera quand il aura fini par avaler tous les morceaux de la pomme de Newton ?


(Les extractions sont tirées de l'article La physique de l'extrême--Quand le laser sonde le cœur de la matière, Pauline Gravel, Le Devoir 14 juin 2008)      



Vendredi 11 juillet 2008
PUPPET  



La marionnette est une parole qui agit.
Paul Claudel


Puppets German puppets burnt the Jews Jewish puppets did not choose Puppet vultures eat the dead Puppet corpses they are fed Puppet winds and puppet waves Puppet sailors in their graves Puppet flower Puppet stem Puppet Time dismantles them Puppet me and Puppet you Puppet German Puppet Jew Puppet presidents command puppet troops to burn the land   Puppet fire puppet flames feed on all the puppet names Puppet lovers in their bliss turn away from all of this Puppet reader shakes his head takes his puppet wife to bed Puppet night comes down to say the epilogue to puppet day " This mood has nothing with you "


LEONARD COHEN
Book of Longing







On ne sait pas toujours de qui nous sommes les marionnettes, mais nous pouvons voir des fils qui pendent ici et là dans le décor éclairé de leurs arbres morts. Book of Longing, un recueil de poésie écrit par Leonard Cohen, choisi dans sa version originale pour lire dans la langue de l'auteur, m'a été suggéré par M. Christian Girard de la Librairie Pantoute. Christian est un fan de Cohen, tout comme vous, mais non comme moi. Christian, qui me fait toujours de beaux présents avec ses suggestions et ses intuitions, ne se trompe pas souvent, il connaît ses goûts...et les miens. Depuis le 27 novembre 2007, ce livre traîne un peu partout dans la maison: table de chevet, commode, buffet, sofa, comptoir, etc... il se laisse prendre au gré de mes humeurs, et ce matin, en ouvrant une page au hasard, je suis tombée sur Puppets. Voilà par quoi peut commencer une journée...quand on est lecteur. On lira le reste, après.  


C'est presque tout que de savoir lire.
Alain  



Vendredi 11 juillet 2008
PUPPET II



Récupération écrits éclairs tranchés
qui traînent sur le comptoir
écrits de guerre râpés qui gratinent les mémoires

la seconde fois qu'un homme t'écrit,
il s'écrie vraiment...

l'Art total qui OSE, qui ne se déVICE pas;
l'Art qui se démultiplie comme on en dispose

je n'ai eu que des frères
et un seul père,
je n'ai mis au monde que des mâlesfils
émigrés de mes peurs de saoûle sister;
mais n'ai jamais eu aucune vraie sœur,
sauf celle de vos âmes, amis des cœurs

plonger les carottes crues dans l'eau chaude,
parce qu'elles ont tant besoin d'être cuites...

je cherche des mots... la feuille est blanche;
je trouve tes mots... les feuilles sont rouges...

demander ta main aujourd'hui même,
parce que demain viendra le Carême

ce qu'il reste à (m) éditer pour nos cœurs en fuite,
ce qu'il reste à cuisiner, une romance précuite...

comme un jupon beige, d'une trop courte robe,
nos amours nous dépassent le long des courbes

on coupe et on (r)abat les mignons en filets;
on tranche et on sectionne les cœurs en moignons

les ficelles se sont rompues;
moments difficiles à passer pour les maris honnêtes...


Célestine pour Mortifère
16 novembre 2005



Simon a dit: 

The puppet I don't get, but the rest--- in prospect ---is revelatory; Célestin serait ravi. Amitiés.


Jack a dit:

Ça rime à tout mais pas tout le temps. C'est ça qui est beau. C'est très beau. Et dans le tranchant des mots, ficelles qui se twistent puis se désenjambent, dans la tranchée des mots j'aime bien, en effet, cette révélation, ce passage de la feuille blanche, soul sister full of blues, à la couleur rouge. J'oserais dire, dans mon retentissement: rouge betterage très doux sur fond couleur taire.


Anonyme a dit: 

À Célestin: après le Noir de ton orage, le Blanc riopel...de mes clôtures. ;-) Ça fait du bien de peinturer de temps en temps, même si c'est pas toujours du Picasso, du Magritte, du Vermeer ou du Rembrandt. Merci pour ton passage.  

Anonyme a dit: 

À Jack: Après le blanc peint sur mes clôtures, des mots full blues sur le rouge naissant de mes monardes. Le temps était presque parfait aujourd'hui, mais il fuyait, comme hier, comme avant. La couleur taire, la couleur mère; l'image se défait mais la rime la refait. Voilà comment je m'étais. Merci pour votre retentissement, il est à chaque fois comme un événement.  




Samedi 12 juillet 2008
PUR SANG

   

Seabiscuit et Red Pollard



Quand le Cheval respire,
l'Homme est là qui l'admire.
Quand l'Homme se blesse,
son Ami est là qui le (re) dresse.

Naître, se nourrir et puis sourire.
Tomber, se relever, mais en rire.
Tomber, se relever, toujours AGIR.
Courir, souffrir, revenir et mourir.

Howard, Marcella, Smith et Pollard,
trois hommes, une femme, bien en vie;
Seabiscuit, Cheval Vapeur, grand Ami,
qui les a tous quatre un jour re: ré-unis.

Seabiscuit, une belle histoire de Respect,
de Doute, de Persévérance et....d'Amour.


23 juin 2007
(avec retouches légères)


Encore une fois, pour la je ne sais plus combientième fois j'ai revu ce film qui n'est peut-être pas le plus grand film que je n'aie jamais vu, mais qui à chaque fois me réapprend ce que l'Homme a de meilleur en lui: son Respect, ses Doutes, sa Persévérance et son Amour, autant pour son semblable que pour sa bête. Ces mots, je les ai écrits l'an passé, presque à pareille date, sans cependant ajouter de commentaire, mais ce soir je le fais, non pas pour expliquer pourquoi je le fais, mais parce qu'il le fallait...

Les histoires de victoires me passionnent même si elles ne se remportent pas toujours comme je l'avais pensé. Seabiscuit, petit cheval têtu, grand vainqueur des abattus, a tout le temps couru après les autres, les dépassant juste à les voir le regarder courir, et son Cavalier, courageux et entêté Red Pollard, après diverses douleurs de toutes sortes, a récolté presque tous les honneurs qui pouvaient exister à cette époque, mais ce qui les a le plus " élevés " tous les deux dans ces honneurs fût cette chaleur d'amitié et de confiance qu'ils ont bien voulu donner à des gens qui eux-mêmes avaient été grandement blessés. Les histoires de victoire, avec grand ou petit v, ça finit toujours par me faire penser qu'il y a déjà eu beaucoup de futur dans notre passé. J'aime à me le rappeler.

elquidam  



Dimanche 13 juillet 2008
LES PRÉCIEUX LENDEMAINS    


Paul McCartney, le bassiste des Beatles, sera dans la ville dimanche soir prochain, il fera un concert sur les Plaines qui nous l'espérons en sera un des plus mémorables que nous ayons vus de toute notre vie de...de têtes blanches...;-) Nous devrions y être, la foule et moi, avec nos yeux et nos cœurs d'anciens adolescents. Cette semaine, une avalanche de papiers de toutes sortes sur Sir Paul devrait inonder nos quotidiens, après tout on ne reçoit pas de la grand visite comme lui à tous les jours. Cet après-midi, je lisais quelques extraits d'interviews, en voici un parmi tant d'autres...

Question: Comment avez-vous composé YESTERDAY ?
Réponse: Je me suis réveillé avec cet air en tête. J'avais un piano juste à côté de mon lit, devant la fenêtre. Je m'y suis assis, j'ai plaqué un accord de sol. Et j'ai trouvé un fa dièse, et ça m'a amené à un si, puis à un mi mineur, etc. Tout ça coulait de source. J'aimais beaucoup la mélodie. Mais comme je l'avais rêvée, je n'arrivais pas à croire que c'était moi qui l'avais écrite. Je me disais: " Non, non...Je n'ai jamais écrit comme ça auparavant. "... Les premières paroles étaient: " Scrambled eggs, oh my baby, how I love your legs..." En général, les gens se marraient à ce moment-là, et j'ai dû trouver d'autres paroles...

Many Years from Now
Barry Miles ...

en attendant le soleil, les cheveux comme un drapeau : all you need is...Beatles... (jd)  


  



Lundi 14 juillet 2008
ANNIVERSAIRE



Sous les drapeaux de tes ancêtres, près de tes portes et de mes fenêtres, les couleurs qui t'ont toujours fait renaître, toi, la France, avec ta langue et le sang de crête au-dessus de ta tête. Revenus jusqu'ici, entre toi et moi, pour renifler l'odeur de tes traîtres: les mots désaltérés qui t'étanchent, les mots foreigner qui s'étrangent, les mots enfirouapés qui se tranchent, les mots assassinés qui t'étranglent...

Pourquoi faut-il que ça rime, quand il faudrait que ça grince ? Pourquoi faut-il que ça frime, quand il faudrait que ça regimbe ? Par leurs draps de peaux français, en-dessous de leur échafaud d'âge, les louis dorment, les louis king seizent, les rois qui habitent encore dans leurs châteaux d'eau, les rois soleils qui prêtent encore de leur or aux généraux.

Parfois il faut que ça rime, parfois il faut que ça frime;
Parfois il faut que ça prince, quand 'il faut serrer la Pince
Parfois, il faut que ça presse, quand il faut que cela...cesse.

Vive les Rois sages !
Vive la Francimage !  

    





Mardi 15 juillet 2008
ELSENEUR



Il fait tourner tous les moulins de mon cœur;
c'est le Roi des images, son nom est Lepage.  


---Tu dois être tout de même content de ton oeuvre ?


--- Billevesées ! " À moins d'être un crétin, on meurt toujours dans l'incertitude de sa propre valeur et de celle de ses œuvres...Quand on compare à ce qui nous entoure, on s'admire; mais quand on lève les yeux plus haut, vers les maîtres (oh Shakespeare, Rabelais, Montaigne !) vers l'absolu, vers le rêve, comme on se méprise ! "


---Shakespeare, dis-tu...

--- " Il y avait de grands hommes en lui, des foules entières, des paysages...Il faut savoir les maîtres par cœur, les idolâtrer, tâcher de penser comme eux, et puis s'en séparer pour toujours... "


Robert Lalonde
Le monde sur le flanc de la truite








IMPRESSIONS DES VARIATIONS
Robert Lepage/Ex Machina


Créature nouvelle et Seigneur,
Crinière d’or, barbe d’argent,
HAMLET revêt ses gants de géant;
HAMLET, fou que par le vent,
Celui du NORD-NORD-OUEST,
Celui qui souffle The Tempest

Race du décorum de nos pensées,
Trace d’un décor homme, votre Majesté;
L’œuvre d’une minutieuse veillée,
Le feu vivant sous cette glace,
Chacun son trône et à sa place

Comédien multiplié par ce Shakespeare réédité,
Tragédien de la Cité, c’est tout LEPAGE en résumé;

Cette chronique abrégée de par le Temps en vigueur
Aura fait ressusciter dans les ailes du château de la Rancœur
Quelques spectrales randonnées tout au fond de notre cœur

Perruque échevelée
Barbiche rapportée;
Poitrine nue mais vite revoilée;
Personnification de notre passé,
Nouvelle confirmation d’un ex communié

Les mains qui ne travaillent que pour si peu
Ont le tact plus délicat que celui d’un dieu,
Dont l’Acte qui contient les trois branches:
Le Mouvement, l’Action puis l’Exécution

Le clairon du petit matin
Qui éveille le dieu du jour,
Le jeune COQ nous le chanta,
Un virtuose l’accompagnait,
CAUX invité, tout comme on l’était

Murs de pierre, prison de flammes,
Mixture infecte, extraite de ronces,
Arrachées à minuit; Labour de l’âme,
Suivons ce Seigneur là-bas, maître à ELSENEUR,
Suivons son spectre entrelacé aux fibres de notre cœur;
Car, non seulement il eut le devoir de nous y inviter,
Mais nous proposa aussi celui de son hospitalité,
Quand la courtoisie et la politesse y furent ses alliées,
Là, sur cette scène mécanisée, planches non américanisées

Devant le triple écran, symbole de ce " CAVIAR ",
Que le prestige de l’Art nu pour le Populaire;
La pièce ne plut pourtant qu’à cette fidèle foule,
Muets auditeurs qui sous son charme croulent

Dans le ciel noir, ce dais splendide,
Trône tournoyant à la vitesse de son mobile,
Cercle constitué par sa propre périphérie,
Roue du véhicule de ses pensées tactiles;
La Poulie au volant de la toile tantôt rigide, tantôt flexible,
La Jante d’un rai tempêtant sur son vaisseau,
La Jante d’un rai, éclair y formant son faisceau
NENNI moins qu’un NON, recommençons plutôt cette Œuvre
Que le venin créa en sa propre manœuvre;
Pièce qui nous fit boire, par pure admiration, son simple poison,
Cinq actes qui nous firent voir toute la déraison de l’impure potion  

Atome qui trouble l’œil de l’Esprit,
Atome de l’impureté qui le perdra
À travers la plus noble de ses substances:
Celle du CONTACT étroit avec la peine infâme

Jus mortel de la jusquiame qui annonce
L’Étincelle dans l’éruption de son cerveau,
Les écarts de son sang indompté,
Et, toutes emportées par ces jeunes gens:
Les fautes de la Liberté, mortes dans l’eau;
HAMLET couché sur les genoux de la Beauté:
Vertu qui aura eu le pouvoir
De faire d’une jeune maquerelle
Taire un gentilhomme désespéré
Aux pieds de sa pieuse demoiselle

L’ordre vivant y emplissant tout seul
Les feuillets des livrets de son cerveau,
C’est le délire même pour l’Amour,
C’est le tourbillon dans la Passion;
Sa Nature dissoute en cet amour
Devenue si subtile qu’elle y envoie
Les plus précieuses émanations
De son essence vers l’Être aimé

Quand la raison y prostitue le Désir,
Dans ces passions plus qu’ardentes,
Ne plus y condamner le déshonneur
De quiconque en fût trop emporté
Et puisque les frimas eux-mêmes
Ne prennent en feu que vivement,
En conserver toute la modération
Pour pouvoir y calmer l’Adoration

Jeu sensuel dans la création d’une Chute,
Dont le parfum y remplissait nos minutes,
Qu’une violette de jeunesse printanière
Fit éclore pour la noirceur de nos tanières

Fantasques guirlandes
De romarin, de renoncules
D’orties et de marguerites,
Faites que jamais HAMLET ne capitule
Faites que jamais son VALET ne recule
Devant ces 10 doigts d’homme mort pourpres
Qui fendent son SILENCE et tracent sa route

Dans le tatou de lumière rose, cette robe étrange,
C’est OPHÉLIA-ROBERT, resplendissante tel un ange;
C’est par cela même, comme par ces " SOFT IMAGES ",
Que l’on proclama William unique " actionnaire " de cette fange

Ô incendie, dessèche sa cervelle,
Raison de jeune fille si mortelle;
La noyade de son propos délibéré
Fit avancer son corps revêtu au milieu,
Dans le RECTANGLE de la Mort, son Enjeu

Comme l’air, invulnérable,
Son deuil, funèbre devoir;
Quand tout le reste n’est que harnais,
Que simple vêtement dans la douleur;
Jactance de cette violente ardeur
Qui exalta sa rage jusqu’au vertige,
Il tenait vraiment à cette amitié…

Nous voulions arracher à son âme son secret
Depuis la note la plus basse jusqu’au sommet;
Eh bien, je vous en supplie maintenant,
Jouons-lui son air préféré sur son flageolet

Auriez-vous renoncé à vivre pour ce sonnet,
Pour vous vautrer dans les pétillants marais ?

« DONNEZ-MOI UN HOMME
QUI N’EST PAS L’ESCLAVE DE LA PASSION,
JE LE PORTERAI DANS MON CŒUR,
OUI, DANS LE CŒUR DE MON CŒUR »
Là où y grandit la moindre crainte,
Là où y croît la plus lente des complaintes

Comme OSRIC jadis sût l’être devant eux,
Mais non comme lui, ce pauvre HAMLET,
Nous n’étions que de bavards perroquets,
Beaux parleurs, mais heureux en ce sens
Que nous n’en n’étions que trop heureux

Vastes propriétaires de boue, enfoncés,
Se bornant à prendre le ton du jour,
Pour en former de cette écume vidangée
Qu’une sale et malodorante fermentation;
Insanité qui fera se lisser au sommet de l’opinion,
Ardente et agitée, comme peut l’être le typhon,
Votre usage " externe " d’une présente société

Mentir, ou maintenir la trahison,
Qu’importe le but de notre action,
Puisque dès demain nous nous en irons
Cracher sur celle de votre Option;
C’est le Dilemme pour pouvoir vous y échanger notre pardon

Que le chef-d’œuvre qu’est l’Homme,
Que la Merveille du Monde, animal idéal,
De par ses actions semblable à un Ange,
Soumette à la Terre cette belle création:
Le Promontoire stérile de sa petite Nation

Et de par ses pensées, semblable à un dieu,
Fasse rejaillir toute la substance de ses ambitions
Qui ne sont que les ombres de ses rêves en faction

Soufflons seulement sur ces bulles
Pour faire l’épreuve qu’elles crèvent;
Soufflons seulement sur elles, pauvres crédules,
Pour y faire la preuve, et des " confiseurs " la trêve !

HAMLET maniant le flageolet
Comme LAERTES le fleuret,
Qui, le cœur satisfait, le repiquait,
Fait du Roi s’écrier : " Mais séparez-les ! "
Mais tout cela sut-il vraiment interrompre le Méfait ?

Gemmes rouges, vifs éclats,
Noms anciens de ces grenats;
Rouge sang des vils scélérats,
Rouge cœur de leur stérile célibat;
ESCARBOUCLES de toutes ces envies,
Quand L’HEURE se pare de faux rubis

Qu’il appelle S-O-U-R-I-E
Celle qui par lui se nourrit,
Lui, fauve, qui jamais ne dérougit,
Lui qui, du bon sens et en dépit,
Nous ouvrit la Cage de sa Raison

En nous faisant entrer dans son cagibi,
Lui qui, sous le toit de son Imagination,
N’en fera que davantage osciller les Variations
Autour de ces oiseaux de proie qui l’envolent
Toujours un peu plus loin que les petits capitoles

Pour l’honneur et le profit,
Une dernière subvention;
Pour y élire une résidence fixe:
La Caserne, qui sous ses divers abris se mixe
De nôs, de mimes, de lyres, de luths et de nixes

Interdite en conséquence
Qu’elle s’effrite l’on pense,
Il l’attend dans le SILENCE;
Et pour toute rénovation,
Qu’une seule et unique innovation

Les couronnes des royautés d’autrefois
N’ont depuis ces temps-là que peu terni,
Car de par le vif-argent de ces dernières
Dont l’on peut extraire pour quelques öres,
De cet allié fluide qu’est le brillant or,
Quelques tiares recyclées pour les néo-rois d’ici

Je lui donnerais bien quelques violettes,
Mais elles se sont toutes fanées hélas !
Depuis que mon père Joseph-André fût brûlé et enterré,
De même que mes 2 grands-pères, Léopold & Cléophase

Des boucles d’Hypérion,
De Jupiter leurs fronts;
Pour le commandement ou la menace,
L’œil du guerrier, pareil à celui de Mars;
Et comme l’attitude de Mercure, surface de cratères,
Une aire ensoleillée pour la postérité de nos Pères

Mémoire d’un astre dans la nuit la plus noire,
Son talent ressortira comme le lustre de la moire;
Mémoire du siège J-33, le GLOBE retrouvé,
Moi au parterre et eux aux balcon,
Vous à mes côtés et lui dans le plafond

Ma résolution, ailleurs, et donc plus au NORD:
Devenir l’esclave de toutes ses " petites morts "

Pour vous Robert Hamlet,
Cégeste idole de mon âme,
Tant que cette mortelle machine m’appartiendra;
Le reste n’est qu’À…venir,
Le reste n’est que….SILENCE


L. Langlois 7 décembre 1995
(avec retouches légères)  





Mercredi 16 juillet 2008
LE PETIT e



S'il n'y avait pas des choses comme ça, l'écriture n'aurait pas lieu. Mais même si l'écriture, elle est là, toujours prête à hurler, à pleurer, on ne l'écrit pas. Ce sont des émotions de cet ordre, très subtiles, très profondes, très charnelles, aussi essentielles, et complètement imprévisibles, qui peuvent couver des vies entières dans le corps. C'est ça l'écriture. C'est le train de l'écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C'est de là qu'on part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui néanmoins, tout à coup, s'emparent de vous.

Marguerite Duras 
Écrire 





" Oui, tiens, maintenant je sais pourquoi je jongle avec les mots de Bernard et songe au monde reflété sur le flanc de sa truite. C'est parce que je ne comprends l'univers que réfracté, réfléchi, renvoyé. Le monde dans l'eau---y en a-t-il assez de criques, de lacs, de rivières, de courants, de sources, d'eaux mortes, de marécages et de simples trous d'eau de pluie, dans mes romans ! Le monde pour ainsi dire redonné, sens dessus dessous, recréé. Le monde revisité de la fiction. L'écho du monde, cette création à l'envers et qui me donne l'illusion d'engendrer à mon tour. Bernard dit encore de la truite: " elle fait hors de l'eau des bonds de six pieds pour saisir une mouche et vole, pour ainsi dire, au-dessus des barrages les plus infranchissables ". Crayon en main, c'est ce que je crois faire aussi. Parfois. Comme l'écrit Annie Dillard, que je rejoins, après être rentré, le chien sur mes talons, et après avoir allumé un petit feu dans le poêle: " At its best, the sensation of writing is that of any unmerited grace...You search, you break your heart, your back, your brain and then---and only then---it is handed to you. From the corner of your eye you see motion. Something is moving through the air and headed your way."

Robert Lalonde 
Le monde sur le flanc de la truite


Autour de nous, tout écrit, c'est ça qu'il faut arriver à percevoir, tout écrit, la mouche, elle, elle écrit, sur les murs, elle a beaucoup écrit dans la lumière de la grande salle, réfractée par l'étang. Elle pourrait tenir dans une page entière, l'écriture de la mouche. Alors elle serait une écriture. Du moment qu'elle pourrait l'être, elle est déjà une écriture. Un jour, peut-être, au cours des siècles à venir, on lirait cette écriture, elle serait déchiffrée elle aussi, et traduite. Et l'immensité d'un poème illisible se déploierait dans le ciel...[ ] Je la vois encore, elle, cette mouche-là, sur le mur blanc, mourir. Dans la lumière solaire d'abord, et puis dans la lumière réfractée et sombre du sol carrelé. On peut aussi ne pas écrire, oublier une mouche. Seulement la regarder. Voir comme à son tour, elle se débattait, d'une façon terrible et comptabilisée dans un ciel inconnu et de rien. Voilà, c'est tout.

Marguerite Duras 
Écrire 


***


Ces extraits, trois parmi tant d'autres, donnent l'exemple du " comment on fait pour ne ne plus se passer de plumes, de poils, d'ailes et d'encre. " Robert Lalonde, que j'ai rencontré par hasard un jour chez Gallimard, me fait, et me fera toujours, de cet effet-là, celui que je ne voyais pas venir, celui que j'aurais aimé tant écrire, celui que lui seul sait faire vivre et puis mourir. Les mots swampeux de ses cauche-mares, mêlés aux sangs sués de son terroir, bus comme un vin nouveau de la Loire, déposés comme une buée assoiffée de miroirs, détallés comme des lièvres peureux dans les bois illusoires; je viens ici juste pour les boire, je viens ici pour essayer de mieux les voir---J’emmagasinais des brillances, des reflets, un brasillement précieux dans la nuit, " le monde sur le flanc de la truite "---Avec ses mots, ceux de Dillard et de Marguerite---l'écrit ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit, et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie---je ne vois plus que l'été qui s'effrite dans le gris bleu de ses cieux et dans le fond de vos yeux, ce gîte protecteur pour tous mes petits lièvres peureux...Livres/lièvres, presque identiques, un seul petit e, un e accent grave, et pourtant, c'est ce qui fait toute la différence entre eux... fruit d'une rencontre parmi tant de livres...


Amitiés
Bonne rencontre
X
Robert Lalonde
octobre 2003



LE LIÈVRE ET LES GRENOUILLES


Un lièvre en son gîte songeait, (Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?); Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait: Cet animal est triste, et la crainte le ronge, " Les gens de naturel peureux Sont, disait-il, bien malheureux. Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite, Jamais un plaisir pur; toujours assauts divers. Voilà comme je vis: cette crainte maudite M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts. - Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. - Et la peur se corrige-t-elle? Je crois même qu'en bonne foi Les hommes ont peur comme moi. " Ainsi raisonnait notre lièvre, Et cependant, faisait le guet... Il était douteux, inquiet. Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre. Le mélancolique animal, En rêvant à cette matière, Entend un léger bruit: ce lui fut un signal Pour s'enfuir devers sa tanière. Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes; Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes. " Oh! dit-il, j'en fais faire autant Qu'on m'en fait faire! Ma présence Effraie aussi les gens! je mets l'alarme au camp! Et d'où me vient cette vaillance? Comment? des animaux qui tremblent devant moi! Je suis donc un foudre de guerre! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. "



Jean de La Fontaine 
Fable XIV, Livre II



Anonyme a dit: 

J'ai suivi avec assiduité et ravissement le Robert Lalonde des chroniques du samedi dans le cahier littéraire du Devoir. De semaine en semaine, il y arpentait ses terres de Ste-Cécile de Milton (une sainte qui a beaucoup de poids au ciel), avec chien qui furète, arbres vénérés, odeurs de ramilles, souches et broussailles avec les amis métis et rouges d'Oka, puis toujours les intenses, les brûlantes lectures découpées dans la vision d'une vaste clairière; puis les inquiétudes, le feu dans le poêle, le feu dans l'écriture...C'était autour de Noël. Cette année-là, à l'ex-chaîne culturelle (la regrettée) de Radio-Canada, on diffusait en guise de vœux de brèves capsules d'artistes. Lalonde passa en fin cette fin d'après-midi. Il parla du sentiment qui l'anime en regard de la création artistique et mentionna avoir été bouleversé, puis libéré par la lecture d'un essai intitulé The courage to create de Rollo May. À la fin de mon quart, je devais me rendre à l'UQAM pour un souper des Fêtes avec mes camarades de philo. J'avais du temps devant moi et je me suis précipité à la bibliothèque pour emprunter le bouquin. Le document existait bel et bien, mais une note indiquait: introuvable! J'avais au moins les références de l'ouvrage. Puis je suis sorti marcher sur la Catherine. Il neigeait du pesant mouillé à plein ciel qui s'accumulait sur les vêtements. On déambulait plutôt penché vers le trottoir, les yeux mi-clos pour faire écran. Puis, tout d'un coup, comme ça, je me lève les yeux et je suis face à face avec Lalonde! Vrai! On a échangé une dizaine de minutes sous la bordée magnifique. Oka, Ste-Cécile de Milton, la charge de l'orignal épormyable... Rencontre lumineuse. Lumineuse! (Je ne me relis pas) 

souches et broussailles des JEUX avec les amis métis......Lalonde passa en cette fin d'après-midi...(il aurait fallu me relire deux fois plutôt qu'une!)

jack


Anonyme a dit: 

En vérité, je n'osais pas trop vous le dire, mais certains de vos Carnets Pelés, et autres s(a)ignatures me font souvent penser aux mots lumineux (ou swampeux) de ce grand poète qu'est Robert Lalonde. Qu'on l'ait rencontré tous deux un jour ajoute au plaisir que j'ai de vous en parler. Merci pour cette anecdote " pesante mouillée ", c'est plutôt rafraîchissant d'entendre parler de Noël alors que celui du " campeur " approche. Merci aussi pour Rollo May, j'ignorais que l'a(c)teur avait été bouleversé par son livre, à ce propos, avez-vous fini par le trouver, ce livre " introuvable " ? (Amazon le vend à quelques 11.16$). En terminant, quelques mots encore à propos du grand " vacarmeur ": lorsque que je l'ai rencontré chez Gallimard, nous furetions dans la section québécoise, et bien sûr notre conversation s'est enlignée sur quelques auteurs d'ici, moi sur les jeunes, et Mistral, et lui, sur les vieux, et Alfred Bessette, et nous, bah sur qui d'autre que...VLB. Lui, comme toujours, as usual. Pour Sainte-Cécile, ça m'intéresse de savoir pour son poids au ciel... 

elquidam  


J'ai eu The Courage entre les mains et j'ai photocopié ad usum privatum les pages qui m'intéressaient. Je crois que le Vacarmeur a pu y trouver apaisement d'un "psy" pour centrer son projet artistique, tout étant à la fois si sensible et si irrémédiable dans ce genre de tête qui marche sans arrêt...Milton, c'est pas moins pesant qu'une poche de plumes qui pèserait 1 000 000 000 de grammes! Pas très loin de Sainte-Cécile-de Milton se trouve Saint-Valérien. Normal: c'était son mari païen converti au système biblique. Le soir des noces (organisé contre sa volonté par la famille), bien que Romaine, ce ne fut point une Victoria! Cécile était extrêmement dévote, très belle, riche de naissance, douée pour la musique, si bien qu'elle devint la patronne des musiciens. Déjà là, ça pèse lourd sur les épaules car nous savons qu'il y en a des grosses pointures en musique! Le hic chez cette gracieuse mystique qui devint martyr, c'est la tonne de dévotion qui roulait dans son cœur: elle avait fait vœu de sa virginité à Dieu! Donc, le soir des noces, une fois seuls dans leur chambre, Cécile dit à son époux : "Touche pas!" Plus doucement que cela, quand même:"- Je vais te conter un secret qu'il faut jurer de ne divulguer à personne. Je suis accompagnée d¹un ange qui veille sur moi. Si tu me touches dans le cadre du mariage, il se mettra en colère et tu souffriras. Si tu respectes ma décision, il t'aimera comme il m'aime." Valérien répliqua virilement :"- Montre moi cet ange.""- Si tu crois en Dieu, et que tu deviens baptisé, tu le verras."Valérien, je ne sais pas comment, respecta le vœu de Cécile. Il se fit baptiser puis a vu de ses yeux vus l'Ange aux ailes de feu qui distribuait des fleurs invisibles et éternelles. D'ailleurs, pas si loin de Sainte-Cécile-de Milton, on débarque par la 10 à l'Ange-Gardien où se trouve une pléthore de maraîchers...Cécile et Valérien furent heureux mais n'eurent pas d'enfants! Mais ce n'est pas une histoire sainte que je voulais raconter! Je souhaitais parler de l'Hôtel des Quatre-Coins qui se trouve à Sainte-Cécile. Une histoire sale. Je crois qu'il est fermé à présent. Ce fut un spot de jeunesse (attardée dans mon cas), avec tables de billards et des batailles faciles à prendre. J'en sais quelque chose, moi qui suis gros comme un poux mais baveux à mes heures. Un jour, un soir plutôt, j'avais tant déliré, je tombai presqu'en pleurs dans les bras de la femme de Da, assise sur un tabouret, près du bar, une bella Italienne, elle aussi, bien sûr... Et lui, le Da au visage carré et gris, je vous jure que ce n'était pas un ange, plutôt le petit cousin caméléon du parrain! Après coup, et après d'autres événements dans le brouillard total et local, des virées jusqu'à Granby, impliquant notamment un pauvre travesti, et que je préfère taire tant ils me font peurs encore, une fois dégrisé, j'ai pu me dire : espèce de tête folle, de nez fourré partout, de provocateur à cinq cennes, tu vois bien qu'il s'en passe des gaffes à Sainte-Cécile-de-Milton !!! Même si je sais à peine jouer de la guimbarde, Ô Sainte-Cécile, protégez-moi! J  


elquidam a dit: 

L'Hôtel des Quatre Coins, St-Valérien, même Granby, (à part le zoo), L'Ange-Gardien (on en a quand même un ici dans notre région) je ne connaissais pas ces endroits-là, mais maintenant oui, un peu, grâce à vos histoires de jeunesse qui ne trépassent pas ;-) et de celle de Cécile, quelle sainte...vierge, c'est évident qu'elle vous protège ! Merci. L.    




Jeudi 17 juillet 2008
U. BLEAU  



C'est lui, il me regarde par son œil de vitre délavé. Il passe son temps à vérifier si je " souris " quand je tape au clavier. Il s'appelle Monsieur U. Bleau. Ubald Bleau. Il aime beaucoup faire rimer mes mots de trop avec les siens qui sont toujours très beaux. Nous sommes allés prendre quelques vers ensemble hier soir dans ce lounge rénové du centre ville amélioré. Il n'y avait pas que nous deux assis là à siroter les restes de l'été. À un moment donné, j'ai cru entendre la voix d'un étranger, j'ai voulu m'en approcher, mais on ne parle pas aux étrangers ma mère m'a dit. Je suis donc demeurée assise bien tranquille aux côtés de M. Bleau. On avait à discuter de Tout et de Rien, ces deux personnages qui hantent nos parages, hiver comme été. Un certain Mehldau était au piano ce soir-là, M. Bleau ne le connaissait pas plus que moi, c'est lorsqu'il s'est mis à jouer...Il jouait quelque chose qui ressemble à ça, à ce qu'on a maintenant l'habitude d'entendre ici à l'Autel Novella. Des notes de musique, comme certaines notes de blogues, semi-transparentes, prochaines et lointaines, en même temps que cyprès et ...On y voit même des lièvres haleter et des sizerins s'enflammer...J'oubliais, le Pianiste était accompagné par un guitariste prénommé Pat.



Jack a dit: 

Pat! Comment fait-il pour ne pas vieillir? L'affiche de l'Autel Novella est la meilleure en ville, comme du bon vin... Et c'est vrai que tout déborde dans cette ville (que j'aime appelée par son petit nom: Cap Diamant). Pas deux nuits d'affilée au Belley... Bon show ! Les tables du Novella ne dérougiront pas; il y aura du mémorable de première main laissé par cet autre pianiste, un dénommé Paul, chante pas pire aussi: Many times I've been alone (...) A long, long time ago (ohhh) Don't keep me waiting here (don't keep me waiting) Lead me to your door. (yeah yeah yeah yeah) 

jack

Anonyme a dit: 

Vraiment ? ;-) elquidam (flower power version) 
Merci pour la découverte du Pianiste américain, c'en est tout un. His Songs are the best silence... 
L.    




Vendredi 18 juillet 2008
A NICE STAY  




Sometimes you must take a train, a boat or a plane. What about your feet ? or your sleep ? or your wings ? or a book ? Travellers are always well welcome here, but sorry, we don't have any more places for tonight, all our rooms are reserved, Sir Paul is in town you know, it's a great week-end for all of us here in the City...Maybe you could try Autel Novella, it's always empty, but I don't know why it is always empty, maybe because the Receptionnist is too old ! I'm joking...Is there anything else that I could do for you ? So, have a nice stay in Québec city. Good bye. ;-)  



Dimanche 20 juillet 2008
HAPPENING  


Paul McCartney
dimanche, le 20 juillet 2008:



" Cette chanson 
est pour une dame 
qui a 400 ans, 
Bonne fête Québec ! "







Le 20 juillet 2008, l'une des plus belles soirées à Québec depuis des lunes...

Toute cette belle grande foule, avec le coucher de soleil en plus, le soir humide, les Plaines remplies à capacité, Wolfe et Montcalm qui se surveillaient en bons fantômes qu'ils sont devenus, sir Paul en full forme avec sa multitude de guitares, l'accordéon, le ukulele de Georges, le Give Peace a Chance de John, le Hey Jude de mes 12 ans, ce slow interminable, Something in a way she moves, le fleurdelisé, les merci beaucoup toute la gang, le temps qui s'est arrêté de pleuvoir pour un soir--- le 20 juillet, nous sommes TOUS redescendus dans nos anciens temps, nous avons chanté et dansé pour une nation, rêvé un peu d'une prochaine résurrection. Rien de plus. C'était assez pour se consoler de cet été gris et pluvieux, et le Beatle qui n'arrêtait pas de nous demander si on en voulait d'autres...Dimanche, 20 juillet 2008, sûrement l'une des plus belles soirées qu'on aura passé entre amis...Les lumières des cellulaires qui scintillaient partout, la vague des bras levés en chaleur, l'unisson des jeunes baby boomers, la pâmoison devant un homme de cœur...Merci Mr. McCartney pour cette majestueuse soirée, jamais nous ne l'oublierons...Take a cha-cha-cha-chance !!


La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée.
Platon      




Mardi 22 juillet 2008
LE PERMÉABLE  




" Ce monde m'ennuie et me violente et je n'ai d'autres moyens d'y résister qu'en créant des choses qui n'existent pas. C'est la seule voie qui me redonne un lien avec l'enchantement.... Je suis un fou mais je ne suis pas poète... Un poète écrit dans sa langue maternelle, et je ne sais plus parler l'arabe depuis longtemps."

Wadji Mouawad 
Le Soleil
22-07-08 


La folie avec un petit f, celle qui te percute sur les murs mous du perméable de ta sagesse. Celle qui t'explose par le fondamental de ta culture manifeste. Celle qui te résiste quand tu perds de vue la face de ton projet inaugural. Celle qui te revient quand tu t'y en attends le moins dans le noir d'une salle... SEULS, un hommage solo de Mouawad à Lepage, ça risque de faire tilt dans quelques cœurs arables...Ça risque de fertiliser quelques taires malléables.

Choc: Réaliser soudainement l'étrangeté de l'autre. Se buter au quatrième mur. Économies: Attendre à plus tard pour vivre. Fenêtres: Porte de sortie des suicidaires. Fou: Professionnel de la dérive. Hallucination: Discuter avec un lapin de six pieds. Incendie: Fruit du pyromane. Institution: Hôtel particulier. Isolement: Excès de sollicitude. Marge: Lieu de ceux qui ne savent pas écrire. Obsession: Repasser le torchon. Repasser les torchons. Parasite: Pauvre, sans travail, mais heureux. Poésie: Dérèglement de la rationalité scientifique. Rire: Le plus possible en même temps que les autres. Souvenir: Objet qui combat le changement. Tranquillisants: Substances qui tuent la révolte. Travail: Résignation à la torture.
 

Extraits du PETIT DICTIONNAIRE DES IDÉES REÇUES SUR LA FOLIE et autres considérations. (3ème tirage) Folie Culture    




Mercredi 23 juillet 2008
DOUBLE HOOK
   


Comme deux consonnes jumelles:
Constatation et Contestation

L.L.


Circonscrire une figure à un cercle:
tracer une figure dont les côtés touchent le cercle.
(wikipedia)



Je vous ai lus, gens (mal) heureux,
Je vous ai vus, gens de bons dieux;
Je vous ai bus, saint-gens d'odieux,
Je vous ai vus, ô jeunes rats-dieux...

Avec vos zipodes de dcd portatifs,
Avec vos ordis d'insu portable additif,
Et vos interminables adjectifs...

Cellulaires d'ondes factices,
Mots d'ombres pour fictions entre amis,
Brouhahas de virgules pour wiki wiki pro-actifs
Dump de pourriels pour circonscrits naïfs,
Nouvelle façon de créer,
Nouvelle façon d'ébruiter...

Lave-vaisselle remplis à ras bord de détersifs,
Doigts activés sur les petites caméras numériques,
Meubles ikéïques remplis de télé-voyeurs-hic !
Machines à expresso pour petits enfants d'eaux,
Malheur sous les peaux, douleurs dans le dos...

Tout ça pour vous CONSOLER d'une envie qui n'en n'est pas une...
Tout ça pour vous ISO-désoler d'une vie qui n'en sera jamais une...

Je vous ai revus, heureux pis malheureux tout le temps,
Anxieux et silencieux, avares ou miséreux...
Je vous ai revus entrain d'allaiter, d'embrasser,
De vous aliter, de boire et de m'orthographier
Des dits cassés de dédicaces,
Des si tassés dans la mélasse,
Des mains blasées de populace,
Des donc qui cognent et bavassent...

Mais je n'ai pas vu, au grand jamais vu,
Ce que vous n'aviez pas encore entendu...

Je n'ai eu qu'à cliquer encore une fois de plus
Pour vous REGARDER, pour vous up-server...
Je suis ainsi devenue votre voyeuse préférée,
L'amie voyageuse du travers de vos clichés,
La lectrice mortelle de vos invisibles panacées,
L'acrobate rebelle de vos cirques ensoleillés,
La branchée évachée, fée optique vidéotronnée...

Vous ai vus sourire devant cette fibre de l'Éternel,
Caméra cachée en-dessous des draps du Maternel,
Caméra vissée sur le dessus de vos grandes ailes...

Peut-être un jour mourrez-vous dans une chambre obscure,
Vos yeux fixés sur des fenêtres aveugles, entre quatre murs...

Je vous ai surpris à partager l'espace vital de mon Lire,
J'ai pu ainsi border quelques uns de vos tendres délires...

Like a kind of silent brook,
Your life was fixed by a camera;
But life is also OVER that camera,
Above that novel's book you betray,
Under the Love that you took one day;
We will be always wounded by her Double Hook,
We will be always bounded by her Dirty Look...

Je vous ai vus, et vous ai reconnus;
Je vous ai vus, vous étiez presque nus;
Et comme je suis aussi un peu tordue,
Et que trop souvent je suis intervenue
(Pour voir de plus près et encore plus)
Ne m'en voulez pas, très cher (e) s inconnu (e) s,
Si je me suis ici abstenue de jouer le Grand Jeu,
Celui qui ne se joue pas toujours qu'à deux,
Celui qui ne se plaît pas que dans les adieux...

Échelles et Serpents, un jeu qui (re) mue,
Snakes and Ladders, un jeu qui vous tue...

elquidam  



Jack a dit: 

 "L'acrobate rebelle..." qui remue au-delà du matériel et du psychique, pourrait-on dire. Saisissant! Corps à corps qui sent la grande full et le si et tant personnel, le deux de pique discarté sur le pas de porte d'une dernière petite fuite de chambre sombre... En sang, je ne sais trop la traduction. En slang, je trouve, par diversion peut-être, cet autre double hook : 1) ce qui pique l'attention comme dans "a sales hook". 2) en musique, ce qui colle dans la tête à la première écoute d'une mélodie ou d'une chansonnette et qui est comme du bonbon: "sugary hard rock melodies [and] ear candy hooks" (Boston Globe). Merci pour ces vrais beaux textes!


Anonyme a dit: 

Petite précision: texte écrit en février 2006, avec ajustements nécessaires en 2008. On repatche les trous (béants) laissés par les ornières du Temps (géant)... Double hook: crochet double. Une deux de pique discartée..(J'ai emprunté vos " carreaux brisés ", mais sans votre permission, j'espère qu'ils sont à leur place ici dans l'Autel...;-) merci




Jeudi 24 juillet 2008
PÉTARDS MOUILLÉS  



L'univers enchanteur de la famille Charette



À mon père, qui me l'avait pourtant donnée,
à mon frère, qui me l'a presque toute enlevée,
cette espèce rare d'espérance de vie,
qui se promène encore par ici...

L.L.



" C'est une chance que nous ne nous soyons pas rencontrées enfants. Nous aurions fait exploser quelque chose. C'est moi qui aurais trouvé les allumettes mais je vous aurais gentiment laissé le soin d'allumer la dynamite ".

Flannery O' Connor à Maryat Lee


Alors la mémoire des sens travaille, associe, classe, part rapidement dans de courts voyages où je revois vitement les morceaux d'été, d'enfance, de songes, des scènes de ma rapide vie de grand occupé forcené.


Robert Lalonde
Le monde sur le flanc de la truite



Toute cette pluie qui tombe à genoux, toutes ces eaux qui morfondent la terre de chez nous; ces trombes d'eau d'hier qui montent au ciel, ces tombes d'os qui inondent les mondes sans terre...5:57 a.m. le téléphone a sonné, je me suis levée, c'était ADT, l'alarme avait sonné...Eddy s'est aussi levé, il était déjà tout habillé. Il a ensuite déjeuné. Lu le journal. À la radio du Canada ce matin, l'animatrice parlait de pluie, de pluie et de pluie...Ça m'a fait penser à ces étés passés, ceux que je te décrivais dans ma petite tête déjà depuis des années...




Photo: André Langlois
1964



À la mémoire de Mémère Charette et de tante Irène, sa fille, 
qui sont toutes vu le jour un 23 juillet


Nous étions enfants, mais déjà un peu grands, les jours de pluie ne nous gênaient pas pour autant, en fait, nous étions presque contents quand les nuages se chargeaient d'eau pour les quatre prochains jours...Nous gardions donc au sec nos provisions de pétards pour ne pas qu'ils se mouillent des averses à venir...On jouait aux cartes, à l'argent, au bluff...déjà...mais aussi au 31, au paquet voleur, à la dame de pique, au serpents/échelles, au Monopoly, aux 1000 bornes, au brinchquebranch, à la cachette, à la bouteille, au père et à la mère, aux combats d'oreillers, au tirage de pouding instantané sur les murs mûrs de Mémère Charette, à la lune dans la manche mouillée, aux cheveux en bataille dans le plat d'aluminium, aux snap shots de gros gin, de cognac et de volga...

En beaux étourdis que nous étions, nous regardions aussi la télévision, on lisait également des piles de Sélection's tout en mettant le feu aux cabanons...On écoutait de la musique, presque jamais n'en faisions, à part celle avec la contrebasse faite avec une cuve, une corde et un balai, à part celle faite avec la musique à bouche de Mémère ou de celle de mononk Donatien, ou celle avec la guitare sèche que mon frère Denis avait acheté à rabais. On jouait à l'orchestre des Noirs chez les Houle, avec de la suie de dessous de chaudron plein la figure, nos mères en avait eu assez ce soir-là...Mais on jouait, on jouait, et c'est ce qui comptait. On jouait...avec le feu des flammes, et la boucane, celle qui éloignait...les mouches à feu; on jouait avec les armes, les vraies parfois, mais surtout avec les plombs de nos petites carabines qui traversèrent des mains de la jeune voisine, avec des pétards secs qui brûlèrent une grosse bedaine, et des chats et des chiens, des siffleux, des lièvres, des coqs, des poules; et un crique, deux lacs et beaucoup de ruissEAUX...


Lassie de mon cher oncle Michel
avec vue la grange en arrière-plan


On jouait, on jouait avec tout ce qui nous tombait sous la main, avec les maringouins, avec les mouches noires, qui passaient à travers la moustiquaire, et les barbots, et les bureaux peinturés de quatre couches de peinture à bon marché, pour voir nos jambes, nos bras et nos faces déformés par le truc du Jeu du Miroir...

Et quand il faisait beau, nous ressortions dehors pour chasser les grenouilles (pour les faire éclater avec nos pétards retrouvés), les crapauds (pour les admirer), les ouaouarons (pour leurs cuisses à manger) et les petits poissons (pour les dépecer), mais pas les chauves-souris ni les porcs-épics, encore moins les coyotes et les ratons-laveurs...Et les arbres majestueux, feuillus ou nus, avec nos cabanes dedans....


Nelson, Jeffrey et Cédric, 
arrières-petits-enfants de Mémère
Photo: L.Langlois


des heures de dépaysement, des décorations qui prennent le vent, combien d'heures avons-nous mis pour ériger ces monuments, NOS monuments ? Combien de plaisirs, combien de souvenirs remontent dans ma petite tête enflée ce matin, lorsque je vois toute cette pluie qui nous tombe dessus depuis le début de l'été ? Pas un seul, ou presque, n'y échappera, aucun des plus champêtres souvenirs de ces étés de rêve...


Photo: Louise Langlois
Idée du montage: Denis Langlois


Le Cap, notre refuge pour échapper aux mères surveillantes, pour fumer en paix et en cachette nos premières clopes de délinquants; la Grange, cet autre refuge interdit aux adultes, pour y donner les prestations improvisées de nos premières amourettes, pour y balancer nos cœurs et nos corps au bout d'un câble usé, pour y faire quelques pirouettes d'acrobate rebellée...Et les auto cueillettes à bout de bras, ah ! les framboises après les fraises, les mûres en même temps que les bleuets, les surettes merises pour le vin de tante Irène, les coups de soleil sur nos vaisseaux pleins à ras bord, que nous ramenions fourbus que nous étions à notre Mémère adorée pour qu'elle nous confectionne de ses desserts enchantés...



Mémère qui fricote


Juillet et août, les deux mois que nos attendions depuis des mois, la saison qui nous changeait en petits rois, en princes vagabonds, en soldats de plomb...Mais depuis, dis-moi, dis-moi si la visite reviendra, la grande comme la petite, celle de Monsieur chips, celle de Monsieur liqueurs douces, celle de Monsieur biscuits opéra, celle de Monsieur Rawleigh, celle de madame Avon, celle de Monsieur le curé, celle de Madame Wickenden, qui habitait Boston et qui nous laissait quand elle repartait le restant de ses provisions, elle qui habitait plus haut que nous, dans le fond du bois, elle qui fuyait SA société pour retrouver la nôtre aux confins de la vérité, au mitan du plein de l'été... " La Providence ! " que Mémère nous disait, quand elle commençait à ne plus savoir quoi donner à manger à cette gang de petits ogres affamés, elle qui aimait tout de même nous garder chez elle, pour jouer, pour nous faire marrer, pour raconter de ses histoires sans fin dans le lit double et défait de sa Chambre Verte...


Dans la basse-cour de Mémère
Photo: L.Langlois


L'été, rien de plus triste, dit-on...quand on n'en a pas...Mais non, ne t'inquiète pas polisson, c'est encore une histoire de ta grand-mère, un mensonge, un pétard mouillé, il y a bien eu naguère de ces étés-là, de ceux dont on se rappellera toujours, je le sais, moi, je t'en parle aujourd'hui, et je sais qu'il y en aura encore, nous n'y échapperons pas, toi et moi....


Le brûlé
Photo: L.Langlois


Sur la galerie de la maison de campagne de Mémère, ce qu'on a pu en regarder de la pluie tomber, cette pluie douce/amère qui faisait s'envelopper les montagnes d'une ouate humide, qui faisait presque déborder le lac artificiel que Pépère avait creusé dans le temps pour ses utilités, mais aussi pour qu'on puisse pouvoir se baigner l'été...Nous avions peur tu sais, nous avions peur d'être emportés par une marée d'eau de marécages, que les puisards débordent, qu'ils ensevelissent nos plus beaux trésors, ces hasards venus du Nord, mais tu vois, aujourd'hui, c'est d'une marée de mots sauvages, d'une marée de marais sages dont nous avons le plus peur. Nous avions le temps de penser, nous avions amplement le temps de trouver du temps autant que nous le désirions, parce que nous le tenions par la main, entre ses câbles usés...

Parfois, il faut se rappeler de ces moments intenses, ceux de nos petites souffrances, ceux de nos grandes bienveillances; il n'y a pas meilleur endroit tu sais que le pays de nos enfances pour retrouver le Temps, en toute confiance. Les jours de lessives se passaient toujours les lundis, nous aimions ces jours-là, peut-être parce que nos mères avaient moins de temps pour surveiller leurs garnements, elles ne travaillaient peut-être pas " à l'extérieur " à cette époque, car elles avaient suffisamment d'enfants dedans...à surveiller...

Plus tard, avant même nos majorités, avec nos cousins/cousines, pères/mères, sœurs/frères/ tantes/oncles, copains/amis, nous irions tous ensemble à l’hôtel du Coin, celui de Monsieur Sigouin, pour y prendre un verre, ou une brosse, ce serait selon le gré de nos humeurs de gosses qui ne pouvaient plus jouer avec leurs pétards...trempés jusqu'à l'os...Je termine avec un début de prière pour honorer Marguerite, notre Sainte- Mémère...Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié...

elquidam
24 juillet 2008



Vendredi 25 juillet 2008
QUAND LE GRIOT CHANTERA



Parce qu'il faut savoir comment la mettre, (en scène),
cette mort sûre qui surprends.
Le noir abîme sur mes couleurs.
Le Noir habite sur ses douleurs.

Le Jour se lève, le Vent se couche; la Mer...
L'Homme achève, il clos sa bouche; la Terre.
Il sait comment faire, il sait comment taire.
Il sait toujours Tout, mais ne fait jamais Rien.
Il meurt comme l'Amour renaît dans une fleur.
Il sort de sa Cour à travers le banc de rumeurs...

Il entre dans un four pour y flamber sa pâleur...
Il sait que ce sera le matin, entre 7 et 9 heures,
Que ce sera ce soir ou jamais qu'il fera qu'il se meurt.

12 septembre 2007
AUTEL (modifié)



Dimanche 27 juillet 2008
UMBRELLAS


to Simon


l'été sur terre---le bleu-blanc-vert---le vin, la bière, les glaces---entre amis---le chocolat noir, les frites, les rires répits---le long de la vie---... l'odeur de temps sans fin---nos mains nues sur les fougères---la teinture blanche sur mes clôtures---le blanc pur de tes mots...perdus...--- les nœuds pourris dans le bois clair---les fleurs qui se balancent dans l'air--- tes mots venus de vancouver, la certitude de nos à l'envers...mais c'est diamanche et c'est lavande---quelqu'un avait déposé un parasol rose en papier dans mes cheveux blonds...les cœurs battaient dans toutes les directions---vers l'ouest--- il y avait en quelque part un grand parc d'attraction *, c'était ta bouche qui me parlait...de mort, de gens et de sourires...

L.

* emprunté à jd



Simon a dit: 

Merci, en retard.


De la visite de mon " retardé " préféré, c'est toujours très apprécié, et compilé dans le registre de mes spontanéités renouvelées. J'espère que votre séjour dans mon Autel déserté vous offre quand même re: confort et re: repos, ou re: petit chaos. Vous repasserez, je ne suis pas sorteuse ces temps-ci. 

elquidam



Lundi 28 juillet 2008
ÉVENTAIL




No credit to us for writing---it's an addiction.
Margaret Laurence à Al Purdy


Sous le chaud soleil de juillet, entre deux averses, ai relu quelques phrases surlignées en 2003, des phrases extraites du Monde sur le flanc de la truite de Robert Lalonde. Comme Le Carnet de l'écrivain Faust de Victor-Lévy Beaulieu, ce livre m'exaltera toujours autant, comme si c'était toujours la première fois que je le lisais. Un livre de chevet. Un livre qui en remet. Je l'aurais bien recopié au grand complet, il y a tellement de belles phrases dans ces notes sur l'art de voir, de lire et d'écrire. Il est tellement grand ce livre, comme son auteur, mais je ne crois pas que ce soit nécessaire de le faire à " sa " place, il y tant à faire encore pour soi. Ce matin, au réveil, une phrase comme ça, gribouillée sur le coin du comptoir: Qu'est-ce que l'on voudrait tant décrire que nous n'ayons pas encore dit, ou vécu ? C'était ça, et c'était assez. *** --- Mais si le livre ne vaut pas un pet de lapin ...?--- Tut ! Tut! Tut! Avec ton " visage de sauteur de murs " et ton air d'amoureux désespoir " tu ne me stupéfies pas, c'est à peine si tu me distrais, dans ma longue méditation où les chats sont bien plus intéressants que toi... (p.84) (Colette à Robert)--- oh il me faut redire ici la joie toujours neuve de me la couler douce, en écrivant les mots des autres, où souvent je me retrouve plus et mieux que dans les miens !---des phrases autrefois soulignées par moi, et qui m'ont donné du cœur au ventre, une franche tape sur l'épaule, ce réconfort incalculable et fraternel accordé par l'écrivain consacré, qui se sait toujours " a beginning writer " ( p.72) Comme les fleurs du magnolia, dont le parfum soûle et guérit, pendant quelques mystérieuses secondes, de cette effrayante insatisfaction de la réalité, avec ses tristes extases d'humiliation et ses chimériques visions de rédemption. (p.77) J'aime écrire, mais non pas avoir écrit. Tracer des mots, c'est un ouvrage du présent, éternel, innocent et joyeusement aiguillonné par l'espérance, qui est toujours au commencement de tout, qu'on soit du côté de Jésus ou de Sisyphe. (p.27) Ecrire, c'est chercher son noyé, le trouver, le remonter, le montrer. C'est aimer follement le bouquet, le fumet, la saveur de toutes choses, sans jamais pouvoir manger soi-même, car la tâche est de faire goûter. (p.147) J'écris pour déflorer mes désirs, moissonner mes ardeurs, bien que parfois je trace les mots comme on se jette dans la rivière, une pierre au cou. (p.86) Certaines pages ne méritent pas mieux que le feu, et c'est déjà beau de les voir flamber, il y a de l'espérance mêlée à la honte, dans ces flambées-là. (p. 87) Le bonheur effrayant d'être pris dans un beau piège qui ne fait pas trop mal, peut-être, cette sorte de volupté très étrange, violente et inconnue, qui vous rend captif d'un mirage, d'une illusion chatoyante et dangereuse. (p.90) Nous devenons différents parce qu'il est périlleux d'être semblables ! (p.93) Le mal, c'est peut-être l'impatience, tout simplement. (p.95) J'existe végétalement, comme le géranium sur le bord de la fenêtre, dans une torpeur de lumière et de chaleur, engourdi, heureux avec une certaine inquiétude, mystérieuse, trop florissant pour m'en faire, pas assez abasourdi pour oublier, trop endormi pour me remettre à l'affût. (p.100) L'été, la Virginie à longueur d'année ? On peut en rêver, mais je ne tiendrais pas deux ans. J'aime nos " linceuls de neige ", la jeunesse du monde endormie, oubliée, la longue méditation blanche comme une nuit sans sommeil, une nuit blanche, une nuit claire, russe,---si on excepte les damnés " skidoos "---une nuit boréale. (p.121) L'humain est sauvage, indomptable et déchaîné quand il est assailli de désirs sans espérance. (p.153) Toute nouvelle lumière nous éveille comme un gros bruit. (p.154) La superposition de ma liberté et de ma sujétion est à chaque instant d'une extrême volupté. À chaque instant, un délicieux supplice par l'espérance me pousse tout frissonnant le long de ma vie...Jean Giono notre errance aux allures de destin. (p.177) le frais du soir comme " une robe d'air sur la peau libre" (p.182)


Percevoir la vie comme une perpétuelle nouveauté, voilà le terrain fertile sur lequel l'art s'épanouit et porte fruit.

Constantin Paoustovski  

 


Mardi 29 juillet 2008
BREADCRUMBS




" Un soir je suis assis sur le lit dans ma chambre d'hôtel sur Bunker Hill, en plein cœur de Los Angeles. C'est un soir important dans ma vie, parce qu'il faut que je prenne une décision pour l'hôtel. Ou bien je paye ce que je dois ou bien je débarrasse le plancher. C'est ce que dit la note, la note que la taulière a glissée sous ma porte. Gros problème, ça, qui mérite la plus haute attention. Je le résous en éteignant la lumière et en allant me coucher. "

John Fante
Demande à la poussière
Editions 10/18, 2002, p. 11.



Descriptif: Québec a une histoire double. Peu de cités, comme cette capitale nationale, se présentent au monde entier lustrées, polies et radieuses, alors que dans leurs souterrains s'entrecroisent l'hypocrisie, la bêtise et l'arrogance des élites municipales. Elle est l'exemple par excellence d'une ville qui s'est développée par l'anéantissement systématique de son centre au profit de l'horreur banlieusarde. Québec dépérit ostensiblement sous sa muséification, son abandon à la spéculation grossière, son conservatisme grandissant, son esprit policier et sa dissolution dans les océans de périphéries conformistes. Au fil du temps, cette ville est devenue dépressionniste. Et l'ennui que ressentent ses habitants vient le confirmer. Dans cet ouvrage, une dizaine d'auteurs examinent l'histoire, la géographie, l'urbanisme, l'imaginaire et la vision du monde propres à la ville de Québec. Ensemble, ils animent la revue La Conspiration dépressionniste. Ils entendent vous faire passer un bien mauvais 400e.


Introduction au dernier numéro de la Conspiration Dépressionniste


J'ai d'abord cru rêvé, et puis non, c'était bien mon libraire préféré que j'ai reconnu sur la photo des collaborateurs de la Conspiration Dépressionniste. C'était bien lui, tout là-haut, avec son casque de cosmonaute, ce cher et si aimable Christian...Je comprends mieux maintenant ses suggestions de livres...;-) La conjuration des imbéciles (A confederacy of dunces), de John Kennedy Toole, Demande à la poussière (Ask the dust), de John Fante, ainsi que quelques autres titres de ce brillant auteur italo-américain, dont le superbe 1933 was a bad year. Il y a aussi Eureka street, de Robert McLiam Wilson, ce beau et très talentueux Irlandais qui me promène en " carrosse royal " à travers les rues de Londres, via son magnifique Ripley Bogle qui lui y vagabonde pour le vrai... J'oubliais Le Seigneur des Porcheries, (Lord of the barnyard) du jeune et regretté Tristan Egolf, auteur américain qui s'est suicidé en mai 2005, lui qui nous a fait connaître Christian et moi; Christian le Conspirateur ;-) ...

Mais cette conspiration dépressionniste, ce n'est pas lui qui m'en a parlé le premier, il est trop...." secret ", c'est Simon Gingras, sur son SYNC/DUMP, note du 22 avril 2008:

http://syncdump.blogspot.com/2008_04_01_archive.html 


...Il y avait donc une conspiration...secrète, entre nous trois... Parfois étonnant ces liens de safari qui se tissent à travers la jungle de lianes du www... Comme des fils d'Ariane, chemins de fer, breadcrumbs, miettes de petits poucets égarés dans nos marécages ombragés...ou comme des pulsars propulsés dans nos chants magnétiques, ils sont là, à proximité de notre chez-soi, ils bougent vite, ne stagnent pas; ils sont là, avec leurs lianes accrochées au bout de leurs longs doigts. Mais il arrive qu'ils détalent sans avertissement sur la Lune, un peu comme l'a fait un certain lièvre...bleu...






En japonais, usagi désigne aussi bien le lapin que le lièvre. Afin de distinguer le premier, il est parfois appelé Nanking usagi. Selon les croyances chinoises, le lièvre a une très longue espérance de vie. Il pourrait atteindre l'âge fabuleux d'une centaine d'années et deviendrait de couleur bleue en atteignant les cinq cents ans. Les Chinois comme les Japonais voient dans les reliefs lunaires, l'image d'un lièvre. Cette idée trouve son origine aux Indes d'où vient la légende suivante: Dans le passé, le lièvre s'est lié d'amitié avec le singe et le renard. Tous partagent le même toit. Un jour, le Roi de toutes les divinités, descend sur Terre sous les traits d'un honorable vieillard. Ayant faim, il frappe à leur porte et demande qu'on lui serve un repas. Le singe lui apporte les fruits qu'il a cueilli dans les arbres, le renard lui présente un poisson, mais le pauvre lièvre n'a rien à lui offrir. Le Dieu le réprimande sévèrement. Le lièvre demande alors à ses amis de préparer un bon feu. Lorsque les flammes s'élèvent et que les braises sont suffisamment chaudes, le lièvre se jette sur le bûcher en sacrifice et offre son petit corps comme nourriture au vieillard. Ce dernier, déclinant son titre de Roi des Dieux, réunit les restes du lièvre et les place sur la Lune afin que le sacrifice de l'animal soit visible de tous. Depuis cette époque, dit la légende, il y a un lièvre dans la Lune. Une autre légende japonaise, venant en complément, affirme que la huitième nuit du huitième mois, lors de la pleine Lune, une hase descend depuis le ciel en direction de la mer et joue dans les vagues. C'est alors qu'elle se souvient qu'elle doit perpétuer la race et conçoit miraculeusement. Certains anciens écrits japonais affirment, avec sérieux, que si la Lune n'est pas pleine à la date indiquée, la conception échoue et il s'ensuit un manque de levreaux l'année suivante.

(wikipedia)


(le 8 du 8, le jour où Félix...)  




Simon a dit: 

Amusant, le hasard.


The Swamp's Song a dit:

Amusant certes, désopilant parfois, mais aussi un peu épeurant et conspirateur (des fois). ;-) 

elquidam  




Mardi 29 juillet 2008
LE SOURIRE









Seuls les Super-héros peuvent s'offrir une vie en couleur.
Alan Moore



I saw a film today, oh! boy...Le mâle fils d'un simple sacrifice: sa plainte originelle fondée dans l'artifice. Son sourire fendu jusqu'aux oreilles, et son cœur en deux, qui crie comme une corneille. Comment peut-on jouer aux cartes sans bluffer ? Comment peut-on jouer sans réellement jouer ? Acter...acter... Un scalp d'images pour ce Prince sur fond de darkness; l'horreur envisageable dans son regard neuf. Presque agréable, il est revenu par ici hanter le reste de nos esprits, puis est reparti... intense et malgré lui...sans peur et sans abri. Le Cafard qui soudainement l'a pris dans ses bras lui aurait dit: " Regarde et vois, il y a là la plupart de tes amis, ils sont à peu près tous comme toi: uniques et sans patrie...Tous tes amis, même ceux-là qui ne t'avaient jamais sourit..."

Les films vus dans le noir ont pour moi ce pouvoir, celui de régénérer toute la splendeur de l'enfance de la DC/Marvel vision, celle à laquelle je croyais dure comme fer lorsque j'étais enfant postée devant le petit écran noir et blanc de mes visions. L'écran transparent qui m'accordait de ses plaisirs intemporels, de ceux que l'on s'accorde le soir vers 7 heures avec un clan d'amis sans peur, qui a pour but de faire, pour une toujours trop courte demi-heure, vœu de silence...Ce plaisir que l'on aimait préparer tranquillement sur le toit pentu de nos futurs espoirs...

Il faut croire que j'ai encore eu besoin de cette vision que m'a donnée le nouveau Chevalier Noir, celui-là qui a survolé les immenses gratte-ciel de Honk Kong avec sa grande paire d'ailes nouvelles, celui-là qui n'a pas manqué son coup pour que je me le rappelle...Batman, l'invincible, mais qui a aussi ses faiblesses...

Ce n'est pas tellement la nostalgie de ces vieilles émissions qui me touche, mais le fait de m'apercevoir que l'on ne change pas vraiment. Il n'y a pas de héros réel dans la vie qui sache offrir un spectacle aussi démentiel que celui auquel j'ai eu droit hier après-midi dans la salle semi-bondée de l'Odéon. Le Justicier masqué, qui hante encore ma petite cervelle de 10 ans, saura toujours garder la place que je lui privilégie quand vient le temps de venger quelques uns de mes souvenirs les moins mortifiés. Merci à mon fils Nelson, avec qui j'ai assisté à cette représentation, lui qui me fait souvent rappeler à l'ordre....à l'occasion, en bon justicier non masqué qu'il est. Merci également aux acteurs, plus spécialement à celui qui a re-fait le Joker. Ce nouvel épisode en appellera probablement un autre, mais malheureusement sans le Sourire dommageable de Heath Ledger... 


;-)




Anonyme a dit: 

" (...) and somebody spoke and I went into a dream" Depuis le passage de Sir Paul, je n'ai que cette chanson dans l'ascenseur de ma mémoire, sans doute pas la plus connue du répertoire des Sauterelles mais l'une des plus protest, mine de rien. Comique que vous citiez justement I say a film today... Une autre que j'aime beaucoup et que je chantais tout du long parce qu'apprise par coeur dans le cours d'anglais en sec. IV, c'est When I'm 64... "Will you still be sending me a valentine/Birthday greetings bottle of wine...". Derrière le pop léger, que de poésie bien ficelée... 

jd


The Swamp's Song a dit: 

Hier, les longs cheveux noirs qui traînaient le long d'un jeune dos bronzé, aujourd'hui, à cause des blancs grisonnants, ils sont devenus blonds cendrés...Qui sait si on se rendra jusqu'à 64 ans ? Qui sait ? Dans l'ascenseur de nos mémoires: beaucoup de pas, de films et...d'histoires. 

L    




Jeudi 31 juillet 2008
KEEP IN TOUCH




Jack Mc Cripple, comme beaucoup d'autres, n'aura pas eu la chance, ou simplement le temps, de vivre jusqu'à ses 64 ans pour mettre à l'épreuve les mots de cette chanson-là...C'est étrange, toutes ces choses qui remontent à la surface de nos mémoires antiques, ces musiques qui vous habitent pendant quelques jours puis qui s'en vont aussi vite qu'elles étaient apparues, le temps d'un concert, le temps d'un cancer...Tous ces beaux couples qui n'auront pas vieillit ensemble...Tous ces gens qui n'auront pas eu le temps jardiner, de voyager, ou de bercer sur leurs genoux arthrosés leurs petits descendants...Une simple chanson, une simple poésie, aura suffit...plus ces quelques cartes postales envoyées par des Facteurs...de risque...;-)    



Jeudi 31 juillet 2008
BOOMERANG



Boom Boom rang the Doom;
Boom Boom is in the Room;
but he plays for whom ?
does he sing for the Moon ?
Boom Boom will bring soon...
something strong,
something wrong...
for OUR tongue...  

elquidam  



Samedi 2 août 2008
TONY TRUANT  




Le Pied Bleu
Lepista nuda



Cet avant-midi, devant l'ordi, j'ai commis une autre parodie: celle de Tony Truant, ce très bon ami bandit, à qui j'avais promis du vent jadis pour qu'il puisse faire tourner les nouvelles pages de son roman, celui-là qui lui sauverait beaucoup de temps....Mais il était trop impatient; il attendait une réponse qui lui avait pris encore beaucoup trop de temps, de son temps. Il était presque midi. Il était déjà encore plus que présent. Ce Temps qui nous manque, cette petite seconde qui aura dérangé le Deuxième Compartiment tout entier, celui qui contient la plupart des mots qu'on utilise presque jamais. Tony Truant savait comment utiliser ces mots, et toujours à bon escient. Ses mots courts qui me parvenaient le plus souvent imbibés de son éternel jus, de la sueur salée de son front têtu, du vent lourd de sa jeune liberté...Ses mots qui m'avaient beaucoup apporté, à moi qui n'écrivais presque plus...

Aujourd'hui, c'est encore mardi, et je ne sais pas à quelle enseigne il ira loger le mois prochain, mais je sais qu'il le fera avec toute la logique permise pour un Truant. Les Truant, venus de cette noble famille de criminels rassurants, avec leurs mots bums indépendants, leurs mots impudents, leur mots jack-assants, susceptibles de venir m'en faire écrire encore beaucoup d'autres. Ces mots wasabi, ceux qui me sautent à la gorge, ces mots poutinés, ceux qui me rentrent dedans, qui s'endorment à 5 heures du matin, ces mots traboulés à travers les rues de Lyon, à la recherche d'un quelconque pâté de maison...

Ce matin, Tony Truant, créateur de son propre roman, s'était levé du bon pied, le bleu. Il était frais et disposé pour le travailler ce foutu manuscrit, celui qu'il avait commencé deux jeudis auparavant. Mais en imprudent qu'il est, il avait rencontré l'Occasionnelle, cette pirate incendiaire qui loge au ciel, avec ses mots semi-démentiels; celle qui n'est jamais vraiment seule à bord de son vaisseau amiral de mots. Il ne leur avait fallu que cette courte seconde, celle de trop, celle de 2006, pour qu'un grand coup de vent engloutisse Les Restes...

Les Restes, ce roman qui aurait tant parlé du Temps, de celui que l'on repêche dans le Néant, nourri du milieu d'un Étang.... On ne sait pas encore qui fera tourner le vent de bord pour Tony Truant, ni qui feuillettera entre deux moments les pages blanches de son prochain roman. Il n'est pas encore l'heure tout à fait pour que le Temps dépasse de lui, comme ce jupon de Nylon le ferait d'une robe de rouges chiffons... Tony t'écrira des mots saplerbe... Truant, lui, dormira dans l'herbe. On leur fauchera bien quelques verbes...

elquidam
The Paper Shop
Mardi, le 5 décembre 2006    




Dimanche 3 août 2008
L’AXE DU MONDE








Ce soir, sur le sommet lointain de l'Himalaya, en compagnie de Charles Tisseyre, ai fait la découverte de cette charmante petite bête: le pika à lèvres noires. Il est de la famille des lagomorphes, tout comme celle des lapins. On l'appelle également lièvre siffleur. Il utilise des tas de pierres comme abri contre les intempéries et les prédateurs. Mais ce n'est pas seulement devant la beauté de cet animal herbivore (qui se fait pourtant dévorer par des carnivores, entre autres l'ours brun et le renard tibétain) que je me suis émerveillée, c'est surtout devant celle que nous offre le pays sage du fleuve Yarlung, du Mont Kailash, (montagne sacrée que l'on n'escaladera pas demain matin), des sources thermales, où une espèce de serpent au sang froid y vit presque scandaleusement, des moulins de prières pour vivre l'instant présent, pour se préparer un futur et un passé plus heureux, qui tournent librement autour de leur axe de mantras qui les répandent dans les airs comme si elles étaient prononcées par le souffle de la terre, et des drapeaux de prières multicolores, avec les gouttes de pluie qui poursuivent l’œuvre du vent et entraînent dans leur chute les messages de paix qui s'effacent lentement de leurs chiffons rouges, verts, jaunes, bleus et blancs...

La pluie, oui, encore elle...elle qui a emporté dans sa crue nouvelle les âmes de deux jeunes tourterelles qui habitaient le Bas de notre fleuve...Sur le toit du monde, ou dans nos sous-sol sombres, l'eau coule, l'eau tombe; l'eau d'été, l'eau typhonnée, avec l'espoir, coordonné à ses mystères, que nos prières leur fassent un peu plus peur...ce soir.    




Lundi 4 août 2008
WHEN IT RAINS




The Day is come/
The Day is gone.
What if the Day had been done...
just for fun ?

 

Ce matin, comme il pleuvait encore...(it rains again) je suis demeurée à l'intérieur des murs humides de mon Autel. Me suis enfin décidée d'aller cogner à la porte de ce beau et jeune Pianiste américain, celui qui dit se prénommer Brad. Il m'a reçu comme si nous nous connaissions depuis toujours. Dans sa chambre, il y avait un piano, et bien évidemment il a voulu me jouer quelque chose, quelque chose qui s'apparentait à cette température qui nous séquestre les ailes du cœur depuis quelques jours...Écoutez, he plays...when it rains...







Un peu emportés par la fébrilité de ce moment unique, nous avons ensuite conversé de cette femme qu'il avait rencontrée un soir à Paris. Elle s'appelle Michèle Anna Mimouni, est musicienne, tout comme lui, et joue du piano, tout comme lui, ou à peu près...Je ne la connaissais absolument pas avant ce matin, mais maintenant on peut dire que je connais cette femme qui me semble être née pour jouer....et que c'est encore à cause de ce Jack, que je rencontre occasionnellement ici à l'Autel, ou lorsque je prends le Train de ses nuits bleutées, que je rencontre tous ces gens-là, dans ce monde-ci. Il ne le sait peut-être pas, mais depuis qu'il m'a entraînée dans sa boîte de mots vapeur, il ne se passe pas une seule journée, enfin presque, sans que je ne fasse quelques intéressantes découvertes, et qu'elles soient d'origine musicales, littéraires ou simplement sorties tout droit de son " ordinaire ", elles me mènent toujours dans une sorte de grand désert rempli d'oasis...et de verres...qui se fracassent doucement sur le rebord de mes fenêtres ouvertes...Il a vu Brad en concert il n'y a pas longtemps, mais je ne pense pas qu'il ait encore vu Michèle Anna, mais on ne sait jamais avec lui, il connaît tant d'artistes...

Brad et Michèle Anna, deux vrais beaux oiseaux de nuit. Lire l'histoire de leur première rencontre me porte à croire qu'on ne sait jamais ce qui peut découler de l'eau d'un simple regard, comme de ce qui peut s'engendrer des commentaires d'un simple hasard ... Tout me porte à croire également qu'il va peut-être finir par cesser de pleuvoir un soir par ici; un soir qui peut-être s'appelle Demain; un soir comme dans lequel Jack, Brad et Michèle Anna avaient eu quelque chose à me raconter depuis cette note issue de leur sauvage territoire. Je vous laisse sur cette autre belle pièce que Mr Mehldau, Brad pour les intimes, interprète magnifiquement; il rend hommage à l'un de ses compatriotes, un musicien décédé prématurément à l'âge de 34 ans qui se prénommait...Elliott. Un autre de ces musiciens que je n'ai pas tellement bien connu, mais qui sûrement l'était par un quelqu'un d'autre...









Il va y avoir un peu de ménage à faire à l'Autel aujourd'hui, toute cette pluie qu'il faut que j'essuie sur le dessus des tables et des chaises de la terrasse. Demain midi, si Dame Température le désire, Elle pourrait probablement être en mesure de nous l'ensoleiller un peu, il serait grand temps...



" Tu marches tout droit, direct au piano, tu t'assoies et poses tes mains sur le tempo, tranquille, ça te ressemble trop cette atmosphère entre chien et loup. O quand tu joues, oui je comprends tout. Tes pensées courent sur le piano...".

Michèle Anna Mimouni pour Brad Mehldau...  




Mercredi 6 août 2008
LES DÔMES  







Le Dôme ouvre ses portes en 1897, dans un quartier qui est alors entre ville et campagne. Modernisé en 1923, il accueille les Pound, Fitzgerald, Hemingway, etc. Il est une étape favorite de Simone de Beauvoir, d’abord lorsqu’elle étudie à la Sorbonne et à la Bibliothèque Nationale (elle est née en face, dans l’immeuble au-dessus de la Rotonde, en 1908), puis, à partir de 1929, avec Sartre. Lorsqu’elle enseigne au lycée Molière, à partir de 1936, le Dôme est son antre. Elle aime travailler sur l’une des banquettes au fond du café.



Le dôme de Genbaku ou
Mémorial de la paix d'Hiroshima ou
dôme de la Bombe Atomique

Shigeo Hayashi


"C’est austère, la solitude en face d’une feuille blanche; je levais les yeux, je vérifiais que les hommes existaient: cela m’encourageait à tracer des mots qui, peut-être un jour, toucheraient quelqu’un."

Simone de Beauvoir
La Force de l’âge





LE SPONTANÉ


Des yeux ronds comme des billes, une bouche qui n'arrête pas, et des bras, oh oui, des bras. Ils étaient là, en face de moi, je les voyais bouger pour la première fois. On aurait dit de la dynamite, ou un cobra. Je ne sais pas, mais on aurait dit qu'il ne fallait pas. Et pourtant, il le fallut. J'en effleura un bout. Hélas ! ou heureusement, je ne sais pas, mais ça explosa. Le feu envahit alors toute la pièce. Son charme m'enflamma. Son chant m'opéra. Ce n'est que quelques instants plus tard que l'on nous retrouva...Il y a de ces rencontres parfois. De celles que l'on oublie pas. Je sais qu'il reviendra prochainement pour allumer les restes de mon spontané. Une main de bois, un tas de doigts. Une feuille au vent. Un je ne sais quoi. L'histoire se continuera. L'histoire avec un grand A.



Anonyme a dit:

"Ce n'est que quelques instants plus tard que l'on nous retrouva...". J'aime beaucoup l'arrivée dans ce texte de cette fraction de temps en barres obliques.


jd

les barres obliques que forment nos bras fantômes; nos bras obliques, comme des bars d'atomes; refuges de chair enfumée dans l'in-fraction du Temps retrouvé. Votre passage à l'Autel est toujours aussi apprécié. Merci Jack. 

La tenancière




Jeudi 7 août 2008
PARIS, DE MES FENÊTRES






Colette
Hôtel Claridge
74, avenue des Champs-Élysées
Paris, 1932
Photo: bibliothèque Nationale de France



C'est ainsi que commence l'histoire, c'est ainsi qu'elle se laissera lire un soir...Une histoire d'hôtel qui date de l'époque où les femmes libres n'étaient pas des femmes...Écrit par Colette, ce livre qui traîne depuis quelques mois sur ma commode, appartenait à une dame qui lisait surtout des romans français...Georgette avait eu pour parents de purs Parisiens; ils avaient immigré au Canada après la 1 ère guerre mondiale je crois, mais ce n'est pas ce qui est important dans l'histoire, c'est ce que l'on en a fait après qui l'est...Georgette a lu, beaucoup lu, et lorsqu'elle est décédée, sa nièce Lise a hérité de sa petite bibliothèque, mais comme la lecture n'est pas sa tasse de thé, elle a pensé à moi avant de s'en départir. Les livres, ça prend beaucoup de place; c'est qu'il en faut de l'espace pour les ranger tous ces amis-là...J'ai ainsi pu mettre la main sur quelques vieux exemplaires qui sentent un peu le post-daté: Colette, Balzac, de Musset, Hugo, des vieux auteurs, et d'autres, tout aussi vieux, que je ne connaissais pas, ou si peu, mais qui m'ont semblé intéressants. Depuis toutes ces années que je lis, je n'ai lu qu'un seul Colette, son Chéri. Le début d'une chambre d'hôtel...


Ce n'est pas à la longue que j'ai pris l'habitude de me méfier des gens insignifiants. D'instinct, je leur reprochai toujours de s'attacher au passant robuste, comme fait l'anatife... Le mollusque à cordon extensible me dégoûte depuis que j'ai découvert les anatifes humains. Nous tardons trop à comprendre que ceux-ci, purs de malice personnelle, sont des délégués de l'obscur, chargés d'établir notre liaison avec des êtres qui n'ont pas d'autre chemin pour accéder à nous.

Colette
Chambre d'hôtel
page 7






Une conjecture nous semble unique parce que nous ne sommes pas assez subtils pour discerner qu'elle fait pendant, vêtue de neuf, à un vieux hasard identique… Ce qu'on trouve ne vaut pas toujours ce qu'on quitte.


Sidonie Gabrielle Colette    




Jeudi 7 août 2008
ALLER-RETOUR









Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence.
Euripide  


Le Voyage dans le Nord de Montréal, à Notre-Dame-de-la-Merci = voir le paysage de par chez ma mère, elle que je n'ai pas vue depuis presque un an...Et que je ramène ici dans ma bourgade, afin qu'elle voit comment la Ville a changé depuis sa dernière visite. Il y aura de la joie et de la couleur dans l'air de Kébek en fin de semaine et pour une partie de la semaine prochaine, c'est toujours une belle et grande fête lorsque nous sommes en sa si souriante et apaisante présence. Et qu'elle revoit ses deux grands petits-fils, qu'elle n'a pas vus depuis encore plus longtemps que moi, ajoute au plaisir de la mère que je suis, quand je le suis...

Le Retour = aussi le Spectacle " Kiugwe " que je verrai avec ma bande d'amis blancs, avec en tête, comme Guide, nul autre que Mr Jarvis en personne, lui que je n'ai pas revu depuis presque 6 longs mois. Mr. Jarvis, une espérance en lui-même, un homme comme il en reste peu, un raconteur comme nul autre, un joueur d'harmonica, qui blues souvent dans les bars de Kébek, quand on l'invite à monter sur scène; Jim Zeller, Guy Bélanger, Bob Walsh, Carl Tremblay, pour n'en nommer que quelques uns, il les connaît presque tous. Je n'ai pas encore eu le privilège de le voir jouer, mais cet automne il devrait donner quelques prestations, au Pape Georges entre autre, un tout petit bar de la rue du Cul-de-Sac (là où on y sert d'excellents rouges et portos haut-de-gamme)...

Mr Jarvis qui passe dans notre vie non pas comme un coup de vent mais comme un arc-en-ciel, qui est une forêt à lui seul, qui est si précautionneux et si malchanceux...au jeu. ;-) J'ai tellement hâte de le revoir, et surtout de le présenter à ma bande d'indigènes, qui n'ont pas souvent l'occasion de rencontrer un Indien "en vrai "... Il est de Pointe-Bleue, Mashteuiatsh, et donc Montagnais. Je ne suis pas encore partie pour Notre-Dame -de-la Merci que je suis déjà revenue. L'instant présent ? C'est pas tout à fait celui-là, c'est surtout celui-ci, celui que je pressens...là...(in the back...of your head...)
 

  Promenade Mashteuiatsh





Lundi 18 août 2008
LES GRANDES RENCONTRES





 

" Pour l’histoire, j’ai dit la chose; qu’on s’en rapporte à ce que j’ai dit les premières fois. Je puis avoir oublié depuis, et les autres aussi peuvent avoir oublié. Ce qu’on écrira de plus simple sera le meilleur… "

Bernadette Soubirous



Encore revenue de je ne sais quelle AUTRE contrée imaginaire. L’arrêt du temps perdu dans l’Inconnu, le fait que je vous écrive ici en ce moment présent/précieux les mots du Connu.
l’espace …………..les gens---le Fleuve-----itinérant. Le temps souriant. Le fleuve m’invitant…Le fleuve menaçant. Ses orages épuisants. Ses rivières l’inondant. Les ruisseaux les débordant. Et nos corps...en ruissellement...L’été qui avance. L’été qui surnage. Les champignons sauvages. Les champions qui nagent…Qui sourient de toutes leurs dents, qui respirent à tout venant, qui transpirent comme des amants...Ces nouveaux héros, qui vont tout de même mourir dans des chambres d’hôtel anonymes, au creux d’une pleine lune, comme de naturels pantomimes  

Il pleut presque tout le temps, c’est un petit peu désolant, mais c’est quand même apaisant. Et toujours un peu grisant car pas trop brûlant. Mais qu’est-ce qu’on fait quand on est en manque de temps, ou de mots de quelqu’un que l’on aime vraiment ? On l’aime...tout simplement. On pense à lui presque tout le temps. Tout comme avant. Comme il y a 20 ans, comme il y en a deux. On l’attend. Bien patiemment.

Vingt ans déjà que Félix est mort. Comme le temps a filé dans le Rouet du Hasard. La vie, le temps, l’espace, les gens. Et l’Été qui avance. L’Été qui surnage. À travers ses nuages...venus de Brouage…

Le calme est à plat. Et l’amour dans ses bras. Les samedis d’août sont parmi les plus beaux et non pas moins les moins fous. De dimanche en dimanche, de silence en silence, ils sont des nôtres, ils font les autres…Comme une sorte de revanche, sortie des dunes d’une avalanche, la pleine lune est aux anges…Le Temps a passé, il s’est fixé au bras d’un busard. Le Temps a imité le chant du Huard…Mr Jarvis est enfin arrivé pour notre Grande Rencontre, celle qui est venue se coller à notre Histoire. La mienne, la sienne, la vôtre…juste pour un soir…Celle de la chute des sens, celle du show de l’eau, de la tourmente des oiseaux, de la beauté de la Distance…Celle de l’Amour dans le clos des vacances, sous le chaos calme des flots, parmi les arrivants gringo. L’Hôtel est rempli à ras bord de tous ces gens nouveaux…Et la sangria sur nos langues asséchées, pour nos palais de pauvres assoiffés; et la lumière dans le sous-bois. La danse des regards dans l’œil du temps...







La SAGAMITÉ pour les gentils saumons dépochés, le pain banniqué, l'orge pilafé et les vins appropriés. Le rire d’un Alain éclaté, nos regards en coin, un peu gênés; nos regards aiguisés dans les miroirs rétamés, la gaieté retrouvée auprès de nos frères dénudés, l'intense cité d'un sourire, celui de ma mère retrouvée...





KIUGWE dans le WENDAKE, KIUGWE dans nos âmes mitées. La main cuivrée de Max dans les nôtres huronnées, le noir de son sentier emprunté. La son déplumé de sa chute endiablée; les Instants troublés kabirkoubés. La marche lente de nos pas essoufflés. La chaleur du Cercle de feu, trempée dans le chant du tambour de l’homme aux longs cheveux noirs et son cœur qui battait au rythme de l’Aveu…L’amour entre étoilés. L’amour sur la glace dégelée. L’amitié au fond d’un sac de dragées. Les étoiles qui filassent, les étoiles qui bavassent. La vapeur fumée dans la rondeur de l’Axe. Le plongeon profond dans le regard blackfoxé. Le chant d’un huard au cœur du nous-je...emporté...Le chant du marais qui flotte et trotte sur l’asphalte. Le chant de l’homme bleu-blanc-rouge...rare invité. Le moment crucial d’une rencontre inoubliable. La fraîcheur sur nos cœurs qui tombe, nos regards en fleurs qui s’épanchent et se frôlent, nous ne perdrons jamais plus le contrôle...Des mains qui touchent aux épaules...

Que restera-t-il de tous ces au revoir ? Du milieu de toutes ces tendres histoires ? Que restera-t-il du bruissement de nos petits miroirs ? Une ombre sauvage de grand soir. Un reste de poudre d’escampette. Un reste de lavage pour notre esclavage. Des coupons de rain check pour nos futurs échecs…


Photo: L.Langlois



De Kiugwe à Notre-Dame-de-la-Merci, en passant par Kébek mais pas par la Mauricie, le long des rives majestueuses de Samuel, le fond swampeux des marais de Celle...Du long de sa Promenade vers son fleuve, la mère et la fille sous le vent du Moulin, celui de la fresque bubonique, et du reste de son œuvre…Lepage et ses frères d’ondes, venus dans notre théâtre du Nouveau-Monde, pour étaler leurs images mirifiques, belles et authentiques…Pour être enfin parvenus à faire tourner les ailes du cœur de ce Moulin magique…








Du froid du large aux rives de notre âge, sur les terres bordées d’eau et de ravages, l’homme blanc est apparu seul et flottant, avec son siot rempli de toute cette eau mêlée, qu’il a portée péniblement de sur son pauvre dos…Il a mouillé dedans, il a mouillé dehors, il a mouillé d'antan, il a séché d'alors…Il a mouillé du dedans, il a mouillé du dehors, il a craché du Satan, il a trouvé de l’or…

L’homme rouge a accueillit l'homme blanc; la femme rouge l'a nourrit de son pemmican..Sur leur territoire, ils ont fondé nos volcans...Puis ils lui ont fait perdre un peu le Nord, pour qu’il recouvre son esprit retors…Dans le ciel de Samuel, une parade d’hirondelles, sur le lac de Champlain, une chorale de nénuphars,un croassement d’anciens têtards, un air connu de la France. Une cascade de canards, du vin, de l’or, du feu, de l'air, du vert, du blanc, et du fer...de lance. Et de la neige en abondance, et des trésors de surprenances…

Dans les casseroles de teintes à mare: grenouilles, crapauds, lézards au bal des couleuvres rayées, au bar des montagnards avinés...Et dans la poêle à frire de fonte noire, avec les truites saumonées, des brochets et des dorés, un régal pour la Fanfare…De ces instants privilégiés, le face à face de ces anciens cloîtrés: Kateri, Keriolet et Sainte-Thérèse, le Diable ou le Bon Dieu dans mes fenêtres; le Diable et ses aïeux qui frappent à votre porte, c'est Bernadette qui va nous voir apparaître dans sa grotte...

Dans les vitraux brisés de la future conquête, les grandes douleurs de l’Humanité, la longévité de mes Ancêtres. Et l’odeur de leur bon thé. Et sur la galerie de ma mère retrouvée, l’araignée noyée dans le fond d'un seau plastifié, celui qu’elle a gardé rempli depuis toutes ces semaines de pluie. Et le chevreuil mort écrasé à Cherstey par un camion d’aveuglé, le chevreuil mort écrasé sur la route mal édentée…Et les colibris qui se battent pour une goutte d’eau sucrée. Et les puces à l’oreille de ma tante Lucille enjouée, plus les lumières activées par les lucioles lanternées...

Depuis ces jardins semés de ferrailles rouillées, les trouvailles et merveilles que l’ont peut admirer, c’est le " new deal " idéal du bon marché …Tous ces sentiers inutilisés, tous ces chemins défuntisés. Mais le soleil entrelacé dans des nuages, toujours prêt à les faire s'éclater. Les marguerites sur la pelouse savamment fauchées par la tondeuse gazéifiée, les vieux livres entassés dans des caisses de carton sous la pluie, l’éternel mari de Dostoievsky, du de Nerval et quelques autres bons amis, mais qui sentaient d'ici un peu trop le moisi…Et un sourire de Joconde sur les lèvres de ma mère qui toujours refleurit…

Que restera-t-il donc de tous ces amours empruntés ? De ces films et de ces photos fanées ? Jolies photos d’une jeunesse trépassée…De ces tasses à café ébréchées ? De ces jupes légèrement endommagées ? De ces bras et cous bronzés, de ces ongles nacrés ? De ces bras tatoués, de ces yeux enflés ? La folie cachetée dans le regard d’un frère peiné et des algues bleues autour de son bateau amarré...

Le temps d’une guerre environnée, le temps d’une paix améliorée, le temps d’une bière frigorifiée, le temps d’une pipée de calumet mal allumé…Le temps d’une prière non encore exaucée…Le temps d’un bréviaire au chevet de l’Inespéré…KIUGWE, au-delà de nos consanguinités, au-delà de la sagamité, en deçà de notre amitié...Le temps de l’avoir retrouvé, le temps de ne pas l'avoir à nouveau oublié, Mr Jarvis était enfin arrivé à notre rendez-vous. Il avait mis son t-shirt noir pas encore trop délavé. Et par-dessus sa chemise bleutée, sans avoir oublié son auréole au soleil cambriolée…

Comme un soudain séjour dans le passé, comme l’ivresse de nos jeunesses envolées, comme une fiction inventée pour faire entrer le rêve dans la réalité, un peu comme le fait S., lui qui nage dans les eaux de ses images innées, comme un trop long poème qui s’épuise en usant de courte éternité, comme une nouvelle livrée de petits chats dormant dans la laiterie, comme une toile oubliée au fond d’un placard empêtré d’araignées, comme un livre d’art encastré dans nos belles histoires d'enchantés, comme une voie lactée dans le noir sanctifié des somptueuses nébulosités, c’est ce qui restera de ces impressions-là, de celles de ces dix derniers jours que j’ai passés dans le bois, dans la ville et sous mon toit…De cette joie d’avoir été enfin ici et là avec tous ceux que j'aime, le plus, d'avoir pu les rencontrer, avec ou sans toi. Mais ce ne sont que des mots de plus, ce qu'il y a avait entre eux est resté là-bas...

elquidam
dimanche 17 août 2008



Jack a dit: 

Un tour dans le bois intense, lumineux, complexe, avec l'Homme bleu blanc rouge, c'est bien celui d'ici, on peut se le dire, méconnu au fond, coiffé d'un zeste de vert pour l'ir, l'ire! Très beau texte. Merci de nous amener là où peu de gens s'aventurent.
jd    


Les gens qui l'inspirent ont fait qu'il " respire ". Merci...de me lyre...

elquidam


Simon a dit: 

En réponse à ces lignes: "Comme une fiction inventée, pour faire entrer le rêve dans la réalité, un peu comme le fait S., lui qui nage dans les eaux de ses images innées," ceci, écrit le 23 juillet 2008: "Écrire pour accroître la présence démographique de ses rêves, pour les aider à s'ancrer (et à s'encrer), autant le Jour que la Nuit. Se faire un petit peu de magie dans sa vie, faire apparaître quelques dieux quelques démons, apparitions qui invariablement enrichissent et fertilisent tout ce qui vie, tout ce qui vient." ….

Va pour les apparitions variables, et les bons diables, avec leurs mauvais salaires, et les vrais vagabonds, ce sont eux les meilleurs, ce sont eux les Vrais Conspirateurs... Le Rêve d'écrire ses magies fertilisantes, de les envelopper dans des boîtes noires ou blanches, être libre de créer sa propre légende, le bonheur de dormir en marchant ou de vivre en bon mourant; le rêve d'écrire encore le reste même si le cauchemar gronde dans les compartiments inondés. Le passage à vide des mains " moussides " dans la vapeur de La Salle de Bain de Shiina Ringo aura pour effet de cicatriser quelques uns d'entre eux...

http://www.animelyrics.com/jpop/shiinaringo/lasalledebain.htm


elquidam






Mardi 19 août 2008
LE FONDU D’OEIL



Il faut commencer par éprouver ce qu'on veut exprimer.
Vincent Van Gogh



Je n'écrirai plus ou je n'écrirai pas. Je serai de plus ou je serai à toi. Je soufflerai au vent les mots d'antan, les mots venus d'un autre temps. J'étoufferai ce temps, je guetterai ses gens. Je péterai leur feu, je cracherai leur sang. Je déferai leurs nœuds, je me mettrai des gants. Je mourrai pour eux, je mourrai en deux, pour vivre un peu plus de cent ans, ou que pour un simple instant. Je crèverai le blanc des yeux pers, je rirai d'avant ces bleus. Je boirai le rouge des gorges, je tuerai le vert des ires. Je vendrai la peau de l'ours pour m'endormir sur de la mousse. Je ne rimerai plus à Rien, je lui fendrai son Œil fondu. Je ne me ferai rimer qu'à Tout, pour lui fonder le Bois des Fous.

elquidam  




Mercredi 20 août 2008
IL FAUDRA SAVOIR PARLER L’ALLEMAND UN PEU PLUS QUE ÇA



Encore lui. Il est revenu ici ce matin, il avait le goût de prendre un café. Nous nous sommes assis dehors sur les chaises de fer forgé de ma terrasse délabrée, le ménage n'avait pas été encore fait par l'employé qui avait un peu trop fêté hier soir. On a parlé de ce film auquel il a participé, un film réalisé par Wim Wenders, que je n'ai malheureusement pas encore vu. Nous nous sommes alors levés pour aller dans le bureau. Nous avons regardé ensemble quelques extraits de cette histoire issue d'une idée d'un certain chanteur populaire irlandais. Troublant...Il n'en fallait pas plus pour penser aux restes...Lorsque nous nous sommes quittés, je lui ai fait savoir que j'en avais marre de toujours me tromper lorsque j'orthographie son nom, ce maudit H qu'il faut mettre AVANT le L... M-E-H-L-D-A-U. Il est parti en riant. Il est si charmant ce Brad. Bon, il fait soleil ce matin, le ciel est bleu clair, les clients commencent à arriver au comptoir, ils veulent payer leur chambre, il faut faire les check out...Pas besoin d'en voir ou d'en (d) (l) ire plus...à part cette version-là… ...mais il faudra savoir parler l'allemand un peu plus que ça







Mercredi 20 août 2008
BON APPETIT




Shiina Ringo --- La salle de bain...

Parce que les rêves s'accumulent...et que cette femme, Shiina Ringo, aurait eu des ailes...


In a cafe just a little down the stairs 
From a city shop selling cameras and things 
I smelled your lighter oil mixed with coffee and cream 
An odor still lingered from the lines you gave me 
You said it did not you? 
"Just do it kill me" 

Today is a day that in particular 
I seem to be smiling and laughing quite a lot 
I just had a dream and in it you had died 
And I had no choice then but to love you 
Do not think to abandon or ever leave me 

So wash me cut me I am underwater 
My lungs and breathing are quite affected 
Please watch me closely and do check to see 
I dry out completely I dry through and through 
So come shine me tear me I am underwater
Relying completely on zero gravity 
And when I do melt down entirely 
Immediately bon appetit 

It was you who was dying there right in front of me 
And I could not stop the tears I could not hold them in 
All of the little things of this little world 
Are so very dear to me it hurts to think of them 
Oh do not make me have those kind of dreams again 

A scent so sweet that it got me dirty 
The troops to protect me were out on patrol 
Please watch me closely and do check to see 
I dry out completely I dry through and through 
A lie so big that it got me dirty 
As soon as I said it a wound opened up 
And when I do melt down entirely 
Immediately bon appetit 

You said it did not you? "just do it kill me" 
So wash me cutme I am underwater 
My lungs and breathing are quite affected 
Please watch me closely and do check to see 
I dry out completely I dry through and through 
Come shine me tear me I am underwater 
Relying completely on zero gravity
And when I do melt down entirely 
Immediately bon appetit 

I am not afraid of a little boredom 
Why did the two of them ever chance to meet ? 
I am not afraid of a little boredom
Why did the two of them ever chance to meet ?


I am not afraid






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FIN du RETOUR DE BRAD
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